Un tribunal de Moscou a jugé vendredi coupables huit opposants accusés de violences lors d'une manifestation contre Vladimir Poutine en mai 2012 et qui risquent de 5 à 6 ans de camp, une affaire considérée par l'opposition comme emblématique de la répression en Russie.

L'énoncé des peines a été reporté à lundi. Le Parquet a requis entre cinq et six ans de détention.

Les huit prévenus - Andreï Barabanov, Stepan Zimine, Denis Loutskevitch, Iaroslav Belooussov, Artem Savelov, Sergueï Krivov, Alexandra Doukhanina et Alexeï Polikhovitch - étaient poursuivis pour avoir participé à des «troubles massifs» et pour «violences envers les forces de l'ordre» lors d'une manifestation le 6 mai 2012.

«Un jugement cruel ne résoudra pas les problèmes, mais en créera plutôt de nouveaux, et brisera la vie de nos clients», a déclaré l'un des avocats de la défense, Dmitri Agranovski, à la sortie du tribunal.

Les avocats des prévenus ont d'ores et déjà l'intention de faire appel du jugement, selon l'agence Ria-Novosti.

Jusqu'à un millier de partisans des prévenus - parmi lesquels les deux jeunes femmes du groupe contestataire Pussy Riot récemment libérées de prison, Nadejda Tolokonnikova et Maria Alekhina, et l'opposant Alexeï Navalny - s'étaient rassemblés en fin de matinée devant le tribunal, bouclé par un cordon de sécurité, criant «Liberté», selon une correspondante de l'AFP.

200 interpellations

Environ 200 personnes ont été interpellées pour trouble à l'ordre public lors de ce rassemblement, a indiqué la police moscovite citée par les agences russes.

Parmi elles figurent Maria Baronova et Vladimir Akimenkov, qui avaient été inculpés dans cette affaire puis amnistiés en décembre à l'occasion des 20 ans de la Constitution.

Une trentaine de personnes au total ont été inculpées dans l'«affaire Bolotnaïa», du nom de la place du «marais» au centre de la capitale russe, où avait dégénéré la manifestation du 6 mai 2012 contre l'investiture le lendemain de Vladimir Poutine pour un troisième mandat de président.

Certains l'ont été pour avoir jeté des bouteilles en plastique sur des policiers, d'autres pour avoir renversé des cabines de toilettes publiques ou résisté aux forces de l'ordre.

D'après le Code pénal russe, la notion de «troubles massifs» signifie «atteinte à l'ordre public par une foule, incendie volontaire, destruction de biens, utilisation d'armes à feu, d'explosifs».

Il n'y a cependant eu ni morts, ni blessés graves, ni coups de feu ou incendie volontaire au cours de cette manifestation.

Le Parquet affirme que 82 policiers ont été blessés au cours des affrontements dont l'origine reste controversée, l'opposition accusant les forces de l'ordre d'avoir provoqué les manifestants pour justifier un tour de vis contre toute velléité de contestation. Des dizaines de manifestants avaient également été blessés.

Dans le cadre de cette affaire, deux opposants - qui avaient reconnu leur culpabilité - ont été condamnés à quatre ans et demi et deux ans et demi de camp de travail, et dix autres personnes ont été amnistiées en décembre.

Quatre autres attendent encore le début de leur procès.

Des citoyens ordinaires

L'opposition a appelé à un rassemblement sur la place du Manège, située près du Kremlin, après l'énoncé des peines.

La plupart des inculpés sont des citoyens ordinaires qui n'appartiennent à aucun mouvement politique, tel Iaroslav Belooussov, étudiant en sciences politiques à la prestigieuse Université d'État de Moscou.

L'affaire Bolotnaïa implique également le dirigeant du Front de gauche Sergueï Oudaltsov, qui est, lui, poursuivi pour avoir selon l'accusation, organisé des troubles massifs, un crime passible de 10 ans de camp.

Son procès, ainsi que celui d'un de ses proches, Leonid Razvozjaev, s'est ouvert mardi à Moscou. Le leader du Front de gauche a dénoncé devant le tribunal des accusations «fabriquées de toutes pièces» et visant à «neutraliser les opposants les plus actifs» contre Vladimir Poutine.

L'ex-oligarque et critique du Kremlin Mikhaïl Khodorkovski, qui a passé dix ans en prison avant d'être gracié en décembre et contraint de facto à l'exil, a estimé dans un texte publié par la radio Écho de Moscou que le jugement des huit manifestants serait à coup sûr «répressif et sévère» et qu'une «nouvelle page honteuse s'inscrirait dans l'histoire de la Russie», avec l'envoi en prison d'innocents.