La crise s'apaise à Kiev, où les manifestants ont libéré la mairie en échange d'une amnistie, mais les leaders de l'opposition ne désarment pas et vont rencontrer lundi en Allemagne la chancelière Angela Merkel pour discuter d'un soutien à l'Ukraine, après près de trois mois de contestation.

La loi d'amnistie pour les manifestants poursuivis est entrée en vigueur lundi, au lendemain de l'évacuation de la mairie de Kiev, lieu symbolique de la contestation ukrainienne et après d'intenses pourparlers de cinq heures dimanche soir entre le procureur général Viktor Pchonka et les leaders de l'opposition.

«Je garantis qu'au cours du mois à venir après l'entrée en vigueur de la loi, toutes les enquêtes seront closes», a déclaré M. Pchonka, selon une vidéo disponible sur le site du parquet.

L'évacuation de la mairie de Kiev et d'autres bâtiments publics en province était un préalable à l'application de cette loi.

Les manifestants occupent toujours le Maïdan, place centrale de Kiev entourée de barricades et où leur camp de tentes est par contre maintenu. Ils occupent toujours  plusieurs bâtiments, notamment la Maison des syndicats, un édifice public du centre-ville.

Négociations au point mort

«Il s'est passé une chose très importante: nous avons prouvé que nous ne laissons pas tomber nos camarades», a déclaré le chef du parti nationaliste Svoboda Oleg Tiagnybok.

Les 234 manifestants arrêtés, qui ont été libérés, sont pour nombre d'entre eux assignés à résidence et encourent toujours de lourdes peines pouvant aller jusqu'à 15 ans de prison.

L'évacuation de la mairie, lieu très symbolique de la contestation transformée en «QG de la révolution», a toutefois été très mal vécue par beaucoup de manifestants, qui ont estimé que l'opposition faisait des concessions sans qu'aucune exigence de fond des manifestants n'ait été remplie par le président Viktor Ianoukovitch.

Les négociations avec le pouvoir sont au point mort, qu'il s'agisse de la réforme constitutionnelle réduisant les pouvoirs présidentiels au profit du gouvernement et du Parlement, ou de la nomination d'un nouveau Premier ministre.

Le mouvement de contestation né de la volte-face pro-russe du pouvoir au détriment d'un rapprochement initial avec l'Union européenne a évolué au fil des semaines en un rejet pur et simple du régime.

Ni la démission du gouvernement fin janvier, ni les négociations n'ont réglé le conflit, marqué par des affrontements qui ont fait quatre morts et plus de 500 blessés.

«Le seul sujet de négociation possible avec Ianoukovitch est son départ et les garanties de protection de sa famille», a lancé l'opposante et ex-premier ministre emprisonnée Ioulia Timochenko dans une interview samedi.

Elle a part ailleurs estimé que l'Ukraine de M. Ianoukovitch avait perdu son indépendance face au président russe Vladimir Poutine.

M. Tyagnibok a appelé à une manifestation mardi matin devant le parlement où devrait être débattue la réforme constitutionnelle exigée par l'opposition.

Aide européenne

Alors que les députés des deux camps cherchent lundi à trouver un terrain d'entente sur cette réforme avant la reprise des travaux au Parlement, M. Iatseniouk, allié de Ioulia Timochenko et Vitali Klitschko, un autre leader de l'opposition, doivent rencontrer lundi à Berlin la chancelière Angela Merkel. Ils devaient demander à l'Union européenne une aide financière pour l'Ukraine et l'instauration d'un régime sans visa pour les Ukrainiens.

«Nous avons besoin d'aide. Nous n'avons pas besoin de paroles, nous avons besoin d'actes», a souligné dimanche M. Iatseniouk devant des dizaines de milliers de manifestants sur la place de l'Indépendence dans le centre de Kiev.

«Nous voulons que l'Europe dise clairement quelles mesures économiques elle peut nous proposer», a-t-il poursuivi.

Moscou, qui a poussé Kiev à renoncer à un rapprochement avec l'UE, a accordé à l'Ukraine en décembre un crédit de 15 milliards de dollars dont trois milliards ont déjà été versés, et un rabais important sur le prix du gaz russe.

Les Occidentaux ont annoncé préparer de leur côté une aide financière pour l'Ukraine, qui est au bord d'un défaut de paiements.