L'opposition ukrainienne a laissé entendre samedi qu'elle allait évacuer la mairie de Kiev occupée par les manifestants, une concession majeure depuis le début de la contestation il y a près de trois mois, après la libération des manifestants.

La mairie, prise d'assaut le 1er décembre et transformée en «QG de la révolution», est un lieu très symbolique de la contestation tout comme le Maïdan, place centrale de Kiev occupée depuis la volte-face pro-russe du pouvoir fin novembre au détriment d'un rapprochement avec l'Union européenne.

Son évacuation est une condition clé pour l'application de la loi d'amnistie à l'égard de 234 manifestants qui ont été libérés, mais qui sont toujours inculpés de crimes passibles de peines allant jusqu'à 15 ans de prison.

Le parti nationaliste Svoboda qui contrôle la mairie «est prêt» à le faire «en quelques minutes, maximum en une demi-heure», a déclaré samedi à l'AFP le numéro deux de la formation Iouri Syrotiouk.

Il a souligné que la décision de libérer la mairie avait été votée à l'unanimité vendredi par le «conseil» improvisé du Maïdan composé de représentants des partis politiques et de militants civils, mais que certains militants sont ensuite revenus sur cette décision.

«Le délai expire lundi (...) Nous voulons que cette décision soit approuvée par toutes les forces d'opposition», a-t-il ajouté.

La décision pourrait être annoncée dimanche au cours d'une nouvelle grande manifestation sur le Maïdan prévue à 10h00 GMT (5h00 heure de Montréal).

Sans évoquer explicitement l'évacuation de la mairie, Arseni Iatseniouk, l'un des leaders de l'opposition ukrainienne, a déclaré samedi que les manifestants resteraient sur le Maïdan et dans trois bâtiments de Kiev parmi lesquels il n'a pas cité la mairie.

«C'est Poutine qui décide»

Située sur le boulevard central Khrechtchatik, la mairie a été prise d'assaut par les manifestants le 1er décembre en marge d'une manifestation monstre, à la suite de la dispersion violente la veille d'une manifestation étudiante dans le centre de Kiev.

Le bâtiment où ont été mises en place une cantine et un hôpital de fortune, héberge jusqu'à 700 manifestants qui y dorment et se réchauffent.

Les autorités ukrainiennes ont annoncé vendredi avoir libéré la totalité des 234 manifestants interpellés en deux mois, mais sans pour autant abandonner les accusations pesant sur eux.

Le président Viktor Ianoukovitch a de son côté appelé l'opposition à faire des «concessions».

Le procureur général ukrainien, Viktor Pchonka, a souligné que les poursuites seraient abandonnées «dans le mois à venir» si les conditions fixées par la loi d'amnistie étaient remplies.

Kiev est le théâtre d'une contestation sans précédent depuis le renoncement du pouvoir de signer un accord d'association avec l'Union européenne au profit d'une coopération accrue avec la Russie qui s'est transformée en un rejet du régime du président Viktor Ianoukovitch.

L'opposant emprisonnée Ioulia Timochenko a estimé samedi que l'Ukraine de Ianoukovitch avait perdu son indépendance face au président russe Vladimir Poutine et que le président ukrainien devait partir.

«Quand l'opposition et les leaders du monde occidental négocient avec Ianoukovitch, ils doivent comprendre qu'ils négocient avec Poutine par un intermédiaire peu qualifié», a lancé l'opposante et ex-premier ministre dans une interview à l'hebdomadaire ukrainien Dzerkalo Tyjnia.

La Russie, qui a encouragé Kiev à renoncer à l'association avec l'UE et l'invite à rejoindre l'Union douanière d'ex-républiques soviétiques, a octroyé en décembre à l'Ukraine au bord d'un défaut de paiements un crédit de 15 milliards de dollars et un rabais important sur le prix du gaz.

Les Occidentaux ont également annoncé préparer une aide financière pour l'Ukraine, tout en reconnaissant qu'elle aurait du mal à égaler la proposition russe.

«Nos amis européens pensent qu'avec de longues négociations et des crédits ils peuvent faire revenir Ianoukovitch sur la voie européenne. Ils se trompent parce que ce n'est pas Ianoukovitch qui décide, mais Poutine», a poursuivi Ioulia Timochenko.

Elle a souligné que «le seul sujet de négociation avec Ianoukovitch, ce sont les conditions de son départ et des garanties pour sa famille».