Les chauffeurs de taxis parisiens sont en guerre contre la concurrence jugée déloyale des voitures avec chauffeur, multipliant les actions de blocage de la circulation, au risque d'accroître une réputation d'éternels mécontents.

Lancé lundi à Paris et soutenu à Marseille (sud), le mouvement de grève de cette profession très soudée s'est durci mardi soir avec l'appel des syndicats à mener des opérations coup de poing et des blocages «n'importe où», afin d'obtenir du gouvernement le gel des immatriculations de VTC (véhicule de tourisme avec chauffeur).

Une manifestation surprise d'une centaine de taxis sur la célèbre place de la Concorde au coeur de Paris s'est soldée par une soixantaine de gardes à vue pour «délit d'entrave à la circulation». Les chauffeurs ont tous été relâchés dans les heures qui ont suivi.

Dans la nuit, 200 autres véhicules ont tenté de bloquer la place de la Madeleine, proche des Champs-Élysées.

«Les chauffeurs de taxi étaient rassemblés pacifiquement, il n'y avait pas de débordement, pas de casse et d'un coup la police a chargé», a dénoncé le secrétaire général du syndicat Force ouvrière, Nordine Dahmane, en parlant de «dictature».

Les chauffeurs de taxis, au verbe souvent critique, qu'il s'agisse de la conduite des Parisiens, des chauffeurs de bus, du gouvernement ou du mauvais temps, ont longtemps été protégés par la réglementation française.

Mais la multiplication sur le marché des sociétés de VTC, depuis un assouplissement de la législation en 2009, a changé la donne.

L'enregistrement d'un VTC coûte 100 euros (environ 150 $) alors que les licences de taxis, délivrées gratuitement par les autorités, mais au compte-gouttes, se négocient entre taxis autour de 230 000 euros (plus de 346 000 $) à Paris.

«Je me suis endetté pendant dix ans pour payer ma licence», lance Thierry Touati, taxi parisien depuis 17 ans. Or, «les VTC tapent directement dans notre clientèle. Il faudrait que le gouvernement nous rachète notre licence pour que tout le monde soit à égalité», plaide cet homme de 50 ans interrogé par l'AFP dans le centre de Paris.

«On est râleur parce que le métier est stressant. Les clients voudraient qu'on saute par dessus les bouchons!», ajoute-t-il en assurant que les clients comprennent toutefois que les chauffeurs ne peuvent plus «être enfermés dans une réglementation obsolète».

Aéroports, cible privilégiée des grévistes

Le mouvement de grève et de blocage des axes vise particulièrement les abords des aéroports parisiens ou le périphérique. À l'aéroport d'Orly, au sud de Paris, environ 70 taxis bloquaient mercredi matin deux stations d'embarquement de passagers, selon une source aéroportuaire. «Les prises en charge se font à des endroits délocalisés», a précisé cette source, évoquant un «mouvement désorganisé» qui évolue d'heure en heure.

Au nord de la capitale, un cortège en provenance de l'aéroport de Roissy-Charles-de-Gaulle prenait dans le même temps la direction de Paris.

Les syndicats ont affirmé avoir mobilisé lundi entre 5000 et 6000 taxis, soit deux fois plus que lors d'un mouvement précédent, le 10 janvier.

La nomination mardi d'un député comme médiateur pour restaurer le dialogue n'a pas calmé les esprits. Ce député, Thomas Thévenoud, a invité toutes les parties «au calme». «J'appelle tout le monde à venir me voir autour de la table pour discuter, pour s'entendre, pour passer des compromis et trouver un nouveau système», a-t-il dit au groupe de médias RMC/BFM-TV.

Interrogé sur la suspension provisoire des immatriculations de VTC exigée par les taxis, M. Thévenoud a mis en garde contre le risque qu'une telle décision soit «remise en cause» par le Conseil d'État, la plus haute juridiction administrative du pays.

Les syndicats réclament l'interdiction des applications de réservation de VTC sur téléphone intelligent, un délai de réservation minimum de 30 minutes et des courses d'un montant de 60 euros (90 $) a minima.

Malgré l'augmentation des licences distribuées ces dernières années par l'administration, les taxis restent peu nombreux: 55 000 au total, dont environ 20 000 à Paris. Parallèlement, fin 2013, on recensait 6500 entreprises de VTC (dont la moitié dans la région parisienne) exploitant quelque 12 400 véhicules.