Le mécontentement social persistait en Bosnie, où d'importantes archives ottomanes ont été touchées en fin de semaine par un incendie à Sarajevo au cours de manifestations d'une ampleur sans précédent depuis la guerre intercommunautaire de 1992-95.

Lundi, quelques centaines de manifestants ont de nouveau défilé dans les rues de Sarajevo pour réclamer la démission du gouvernement de l'entité croato-musulmane, qui ensemble avec une entité serbe, forment la Bosnie après le conflit qui a fait 100 000 morts.

«Les tribunaux et la police protègent les bandits au pouvoir», pouvait-on lire sur une pancarte.

D'autres manifestations ont rassemblé des centaines de personnes à Brcko, Tuzla et Bihac, Bugojno ainsi qu'à Vitez et Mostar.

Vendredi, lorsque les manifestations les plus violentes ont eu lieu, «un dépôt des archives, celui qui abrite les plus anciens documents couvrant la période entre l'Empire ottoman et la fin de la Seconde guerre mondiale a été touché par les flammes», a-t-on indiqué lundi de source officielle.

Une commission est en train d'évaluer l'étendue des dégâts.

Sous la pression de la rue, depuis le début mercredi de ces manifestations, les chefs de quatre administrations régionales de la Fédération croato-musulmane ont présenté leur démission.

L'accord de paix de Dayton a imposé à la Bosnie des institutions politiques extrêmement compliquées, au sein desquelles le pouvoir est partagé entre Musulmans, Serbes et Croates et les décisions, pour être prises, requièrent l'accord des trois communautés.

L'entité croato-musulmane est formée de dix cantons, chacun avec son propre gouvernement. Cette administration est pléthorique avec quelque 180 000 salariés pour un pays de 3,8 millions d'habitants.

Dimanche, plusieurs dirigeants et partis politiques ont appelé à l'organisation d'élections législatives anticipées pour calmer la gronde populaire.

Normalement, ces élections doivent avoir lieu en octobre.

Parti de Tuzla, jadis la plus importante ville industrielle de Bosnie, où des milliers de salariés se sont retrouvés au chômage à cause des échecs en série des privatisations de leurs usines, le mouvement a gagné la capitale et plusieurs autres grandes villes.

Il s'agit toutefois des agglomérations où les Musulmans sont majoritaires. Le mouvement n'a pas embrasé les régions peuplées par des Serbes et des Croates. Sauf à Mostar, une ville divisée entre Croates et Musulmans, où des manifestants des deux communautés ont saccagé vendredi ensemble l'immeuble abritant les autorités régionales.

Quelle que soit la date des prochaines législatives, les violences de vendredi qui ont surpris et choqué les Bosniens ont alimenté les dissensions entre les principaux partis musulmans.

Ainsi, Bakir Izetbegovic, le dirigeant du principal parti musulman (SDA), a accusé le ministre de la Sécurité, Fahrudin Radoncic, et leader d'une autre formation alliée au pouvoir, de n'avoir pas mis en place un dispositif pour protéger les institutions de l'État.

«Est-ce qu'il qu'il est le président d'un parti que cette situation arrangerait (...) ou bien est-il le ministre de la Sécurité qui doit agir pour protéger les édifices et les gens?», s'est interrogé M. Izetbegovic à l'adresse de son adversaire.

Ancien homme d'affaires entré dans la politique il y a quatre ans, M. Radoncic, leader de l'Union pour un meilleur avenir (SBB), s'est défendu en assurant que la mise en place d'un dispositif pour coordonner les forces de police ne relevait pas de ses prérogatives

Il n'a pas hésité à exprimer son soutien aux manifestants en dénonçant «un pouvoir incompétent qui dirige depuis vingt ans» la Bosnie.

«J'avais dit il y a quelques mois que si l'État ne provoque pas un tsunami contre la corruption, alors on va avoir un tsunami citoyen. Et bien, c'est ce qui s'est passé», a-t-il ajouté.

L'analyste politique Srecko Latal estime toutefois qu'aucune force politique ne se trouve derrière ces manifestations.

«Le principal message que cette violence a envoyé est que les citoyens en ont assez de la classe politique et qu'ils ne font aucune différence entre les partis politiques», dit M. Latal.