L'ancien chef militaire des Serbes de Bosnie, Ratko Mladic, a refusé de témoigner mardi au cours du procès de son ancien alter ego politique Radovan Karadzic devant le TPIY, qu'il a qualifié de «satanique».

«Je ne veux pas témoigner et je refuse de témoigner pour des raisons de santé et parce que cela me porterait préjudice dans ma propre affaire», a déclaré Ratko Mladic lors d'une audience publique à La Haye, où siège le Tribunal pénal international pour l'ex-Yougoslavie (TPIY).

Accusé de génocide, crimes contre l'humanité et crimes de guerre, Radovan Karadzic, qui se défend seul, souhaitait que Ratko Mladic, accusé des mêmes crimes dans un procès séparé, témoigne en sa faveur.

Le témoignage devait notamment éclairer les relations entre les deux hommes au moment du génocide de Srebrenica, en juillet 1995, quand près 8000 musulmans avaient été tués en quelques jours et pendant le siège de Sarajevo, long de 44 mois et qui a fait quelques 10 000 victimes civiles.

Ratko Mladic, qui vit dans la même prison que son ancien alter ego dans la banlieue de La Haye, avait refusé de comparaître, épuisant les uns après les autres tous les appels juridiques, avant de finalement prêter serment mardi matin.

Il s'est à cette occasion lançé dans une diatribe, qualifiant le TPIY de «satanique» et de «tribunal de la haine» avant d'exiger qu'on aille lui chercher son dentier, laissé dans sa cellule, pour pouvoir «mieux parler», une demande qui provoqua des rires dans la galerie du public.

Une fois ses dents retrouvées, l'audience a repris avec la première question de Radovan Karadzic à son ancien collègue : «m'avez-vous jamais informé par écrit ou oralement que les détenus de Srebrenica allaient être exécutés?»

Ce à quoi, et comme à chacune des questions qui suivront sur Srebrenica ou le sanglant siège de Sarajevo, Ratko Mladic répond : «je refuse de témoigner vu que cela risque de porter atteinte à ma santé et risque de m'incriminer dans ma propre affaire».

«Il invente des choses»

Branko Lukic, l'avocat de M. Mladic, avait tenté une dernière fois mardi matin de convaincre les juges de ne pas autoriser le témoignage de son client, invoquant sa santé.

«Nous pensons que M. Mladic n'est pas en état de témoigner», a dit M. Lukic, assurant que son client souffre de troubles de la mémoire et ne peut pas distinguer «la vérité de la fiction» : «il invente des choses et pense qu'il s'agit de la vérité».

MM. Karadzic et Mladic, 68 et 71 ans, sont accusés d'avoir orchestré le nettoyage ethnique de la Bosnie lors d'une guerre qui a fait 100 000 morts et 2,2 millions de déplacés entre 1992 et 1995, soit la moitié de la population de l'époque.

Devant le refus de témoigner de M. Mladic, les juges du TPIY ont décidé de ne pas forcer l'ancien général, qui paraissait émacié dans un costume gris clair.

Alors qu'il était escorté hors de l'audience, Ratko Mladic a déclaré à Radovan Karadzic, en serbo-croate : «je suis désolé, Radovan, mais ces idiots ne veulent pas me laisser parler. Ils défendent l'OTAN».

Le juge venait en effet de refuser que Ratko Mladic lise une tirade de sept pages préparée à l'avance.

Créé par le Conseil de sécurité des Nations unies en 1993, le TPIY est chargé de juger les responsables présumés de génocides, crimes contre l'humanité et crimes de guerre commis lors des conflits qui ont déchiré l'ex-Yougoslavie depuis 1991.

M. Karadzic, le chef politique des Serbes de Bosnie, et M. Mladic, le chef militaire, auraient pu être jugés ensemble si leurs arrestations avaient été plus proches dans le temps l'une de l'autre, car ils sont accusés des mêmes crimes.

Le premier avait été interpellé en juillet 2008 à Belgrade tandis que le second avait été arrêté trois ans plus tard, en mai 2011, dans un village du nord de la Serbie.

PHOTO MICHAEL KOOREN, AFP

Radovan Karadzic