Le pouvoir ukrainien a lâché du lest mardi avec la démission du gouvernement et l'abrogation de lois répressives, tentant de trouver une sortie à la crise, dans laquelle le président russe Vladimir Poutine a exhorté les Européens à ne pas s'ingérer.

Une condamnation implicite de la visite de 48 heures que Mme Catherine Ashton, le chef de la diplomatie de l'Union européenne, devait entamer dans la soirée à Kiev, où elle devait rencontrer à la fois le président Viktor Ianoukovitch et les dirigeants de l'opposition.

Les initiatives du pouvoir ukrainien ont conduit le vice-président des États-Unis Joe Biden à saluer les «progrès» effectués ces dernières heures en Ukraine, dans un appel téléphonique au président Ianoukovitch qu'il a exhorté à oeuvrer en faveur de l'«unité».

Sur une autre longueur d'onde, le Canada a annoncé que les dirigeants ukrainiens impliqués dans la répression des manifestations étaient désormais interdits d'entrée sur son territoire. Mais il n'a pas précisé l'identité de ces personnes, ni leur nombre.

Dans ce qui apparaît comme une nouvelle concession faite à ses adversaires politiques, le chef de l'État ukrainien a accepté le départ du Premier ministre Mykola Azarov et par conséquent de l'ensemble des ministres.

Le gouvernement actuel, qui sera provisoirement dirigé par le premier vice-Premier ministre Serguiï Arbouzov, continue cependant à gérer les affaires courantes en attendant la formation d'une nouvelle équipe.

L'opposition a refusé l'offre de M. Ianoukovitch de confier les rênes du gouvernement à l'un des ténors du mouvement de contestation, Arseni Iatséniouk.

«J'ai pris la décision de demander au président d'accepter ma démission du poste de Premier ministre, pour créer les conditions supplémentaires d'un compromis politique et d'un règlement pacifique du conflit», avait annoncé quelques heures plus tôt M. Azarov.

«C'est une première étape», mais «ce n'est pas suffisant», a réagi l'opposante emprisonnée Ioulia Timochenko, qui avait en son temps dirigé le gouvernement.

Interrogé sur le fait de savoir s'il souhaitait toujours que le chef de l'État quitte le pouvoir, l'ancien boxeur Vitali Klitschko, l'un des leaders de l'opposition, a de son côté répondu: «Réglons les problèmes un à un», même si «la démission de Ianoukovitch serait une mesure logique».

Dans la rue aussi, la tension est retombée d'un cran, après les heurts de ces derniers jours.

Mais les opposants restent mobilisés dans le centre de Kiev, sous la surveillance de contestataires armés de battes de baseball, malgré des températures ancrées sous les -10 degrés.

«La démission du gouvernement ne signifie pas la victoire. Nous sommes là pour que le président s'en aille, pour changer le pouvoir dans son ensemble», a ainsi expliqué Vassyl, 49 ans.

Hors de la capitale, le siège de l'administration dans près de la moitié des régions reste occupé par les contestataires qui réclament le départ des gouverneurs nommés par le chef de l'État.

Au parlement, réuni depuis mardi matin en session extraordinaire, les lois du 16 janvier qui réprimaient presque toute forme de manifestation ont été abrogées.

Elles avaient été fermement dénoncées par les Occidentaux et avaient entraîné la radicalisation du mouvement de contestation né du refus de Viktor Ianoukovitch fin novembre de signer un accord de libre-échange avec l'UE, y préférant un rapprochement avec Moscou.

Cette législation prévoyait des peines allant jusqu'à cinq ans de prison pour le blocage des bâtiments publics et des amendes ou une détention administrative pour les manifestants portant des masques et des casques.

Elle punissait par ailleurs de travaux d'intérêt général les auteurs de diffamation sur l'internet, ce qui a été vu comme une forme de censure.

Poutine ne veut pas d'«ingérence» de l'UE

361 députés ont voté l'abrogation de ces lois, deux contre, un résultat accueilli par de nombreux applaudissements dans la salle, où le Parti des régions de Viktor Ianoukovitch est majoritaire.

Les débats ont ensuite été ajournés jusqu'à mercredi 04h00. Les élus devront alors discuter d'une éventuelle amnistie des manifestants interpellés pendant les heurts avec la police.

A l'issue d'un bref sommet à Bruxelles avec l'Union européenne, Vladimir Poutine a pour sa part assuré que si l'opposition y arrivait au pouvoir, la Russie ne réviserait pas ses accords avec l'Ukraine, en particulier sur un prêt de 15 milliards de dollars déjà promis et sur les prix des produits énergétiques qu'elle lui vend.

«Je pense que le peuple ukrainien est capable de régler» ses problèmes «par ses propres moyens (...) la Russie ne s'ingérera jamais» dans cette crise, a encore dit M. Poutine, avant d'inviter les gouvernements de l'Union européenne à faire de même.

Les milieux économiques se montrent nerveux face à la crise politique en Ukraine, qui s'est accompagnée d'une chute de la monnaie nationale, la hryvnia.

L'agence d'évaluation financière Standard & Poor's s'est inquiétée de la solvabilité dans un contexte d'institutions affaiblies, s'interrogeant sur la fermeté de l'engagement de Moscou à soutenir Kiev. Elle a abaissé sa note à «CCC+», un niveau réservé aux pays au bord du défaut de paiement.