De nouveaux heurts ont opposé  manifestants et policiers à Kiev dans la nuit de mardi à mercredi, malgré la menace du Premier ministre de recourir à la force contre les «provocateurs».

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«Si les provocateurs ne s'arrêtent pas, les autorités n'auront pas d'autre choix que d'utiliser la force dans le cadre de la loi pour assurer la sécurité des gens», avait pourtant mis en garde mardi Mykola Azarov sur la chaîne publique russe d'information Vesti.

Il faisait ainsi référence à la législation controversée entrée en vigueur mardi à minuit et qui durcit les sanctions contre les manifestants pro-européens défiant le pouvoir dans les rues de Kiev.

Faisant fi de ces menaces, des manifestants ont lancé dans la nuit des cocktails Molotov et des pierres contre les cordons de police, qui ont riposté notamment avec du gaz lacrymogène, a constaté un journaliste de l'AFP.

La situation, tendue, était toutefois plus calme que les deux nuits précédentes, même si des milliers de manifestants étaient encore présents sur l'avenue Grushevsky qui mène au Parlement.

Intervenant mardi après deux nuits de heurts, les plus violents des deux derniers mois, le Premier ministre a souligné qu'il espérait que le recours à la force ne serait pas nécessaire.

«Nous espérons que le bon sens prévaudra», a-t-il dit, ajoutant «les gens doivent comprendre qu'on leur propose chaos et destruction». Il a cependant démenti les rumeurs d'état d'urgence.

De son côté, la Russie a dénoncé une situation qui «échappe à tout contrôle en Ukraine», alors que les négociations entre le pouvoir et l'opposition semblent au point mort.

Vitali Klitschko, l'un des dirigeants de l'opposition, qui ne veut discuter qu'avec le chef de l'État, a quitté mardi la présidence sans être reçu par le président Viktor Ianoukovitch, qui était «occupé».

Le ministre russe des Affaires étrangères, Sergueï Lavrov a dénoncé le soutien «indécent» apporté selon lui à l'opposition par les Européens.

Ceux-ci ont accusé le pouvoir ukrainien d'avoir provoqué l'escalade de la violence en adoptant des lois répressives contre les contestataires.

Golos Ukraïny, le journal du Parlement, a publié les nouvelles lois qui durcissent, avec des peines allant jusqu'à cinq ans de prison, les sanctions potentielles à l'encontre des manifestants qui ont installé il y a deux mois un campement et des barricades dans le centre de la capitale, et de ceux occupant des bâtiments officiels.

L'adoption de ces lois la semaine dernière a relancé la mobilisation. Dimanche, environ 200.000 personnes se sont réunies sur la place de l'Indépendance pour les dénoncer. Ce rassemblement a été émaillé de violences entre forces de l'ordre et manifestants, à coups de cocktails Molotov et de tirs de balles en caoutchouc.

Blessés aux yeux

Au moins 35 journalistes ont été blessés au cours des affrontements, a indiqué mardi une ONG de défense des médias.

D'après un correspondant de l'AFP sur place, plusieurs journalistes ont été grièvement blessés aux yeux par les  projectiles qu'ont tirés les forces de l'ordre, qui apparemment visaient la tête.

Les policiers «m'ont brutalement jeté à terre, ont arraché mon casque sur lequel il était écrit Presse, m'ont frappé au moins deux fois à coups de matraque sur la tête, m'ont tordu les bras dans le dos et amené dans un fourgon de police», a raconté le journaliste Dmytro Barkar, de la radio américaine Radio Free Europe/Liberty, dans une vidéo le montrant avec un oeil tuméfié.

Selon le ministère de l'Intérieur, près de 200 personnes ont été blessées depuis dimanche. 80 policiers ont été hospitalisés.

Des sources médicales ont affirmé qu'au moins une personne avait eu la main amputée et que plusieurs avaient perdu la vue.

Au total, 50 militants ont été interpellés dont 22 ont été inculpés, a annoncé le ministère de l'Intérieur sans plus de précisions.

Le président Ianoukovitch a estimé lundi soir que les manifestations se transformaient en «troubles massifs», et le parquet général a parlé de «crimes contre l'État».

L'opposition voit des «provocateurs»

L'opposition a de son côté accusé des «provocateurs» amenés, selon elle, à dessein pour déstabiliser la situation.

Le président ukrainien, auquel les manifestants reprochent sa volte-face en novembre, lorsqu'il a brusquement renoncé à signer un accord d'association avec l'UE au profit d'un rapprochement avec la Russie, a promulgué vendredi soir les lois controversées malgré les mises en garde occidentales, et les menaces de sanctions.

Les lois, votées à main levée au Parlement, prévoient des peines de prison de 15 jours pour l'installation de tentes ou d'estrades dans des endroits publics et jusqu'à cinq ans de prison pour les personnes bloquant des bâtiments officiels.