Le droit accordé depuis le 1er janvier aux Bulgares et aux Roumains de vivre n'importe où dans l'Union européenne (UE) alimente la xénophobie dans le Vieux Continent. Au Royaume-Uni, le gouvernement souffle sur les braises en limitant l'accès des étrangers aux services publics et aux prestations sociales tout en durcissant les modalités de résidence sur le territoire.

Tout sourire, Alexandra Swann s'en va distribuer des tracts dans les rues de sa ville de Farnham, située dans le Surrey, comté plutôt cossu et campagnard au sud-est de Londres.

Leur texte met en avant «une menace énorme sur nos services locaux», avant de la définir: «Le 1er janvier, 29 millions de Roumains et de Bulgares gagneront le droit de vivre, travailler et profiter des prestations sociales ici. Seul le Parti pour l'indépendance du Royaume-Uni (UKIP) prend au sérieux cette menace énorme sur nos logements, écoles, et services de santé et municipaux.»

Que ce parti très à droite et ses idées aient pu atteindre une jeune femme de bonne famille d'une région paisible de l'Angleterre prouve sa normalisation auprès de l'opinion publique.

Cette appréhension s'explique par le choc de 2004. Les autorités avaient prévu l'arrivée annuelle de 13 000 Européens issus des 10 pays tout juste entrés dans l'Union européenne, en plus des 167 000 déjà installés dans les îles britanniques. La réalité s'est avérée tout autre: le Bureau national des statistiques en recense actuellement plus de 1 million, dont 700 000 Polonais, qui n'étaient que 69 000 avant 2004.

Une situation différente

La donne est cette année bien différente puisque tous les pays de l'UE sont concernés par cette ouverture, alors que le Royaume-Uni était en 2004 la seule grande économie de l'UE à avoir ouvert ses portes sans condition aux nouveaux Européens.

Par ailleurs, 94 000 Roumains et 47 000 Bulgares vivent déjà dans le pays. Cela n'empêche pas l'organisation Migration Watch, qui milite pour une «immigration modérée et gérée», de clamer qu'entre 30 000 et 70 000 Bulgares et Roumains s'installeront chaque année dans le pays à partir de cette année.

Ne pouvant étendre les limitations d'entrée du territoire aux Bulgares et aux Roumains, le gouvernement de David Cameron a décidé d'agir contre ce qu'il considère être du «tourisme des allocations». Il entend par là satisfaire l'électorat du parti de Nigel Farage, qui navigue aux alentours des 17% d'intention de vote et qui pourrait lui coûter sa réélection dans deux ans, en plus de lui infliger une mémorable défaite lors des élections européennes en mai prochain.

Ainsi, le test linguistique destiné à déterminer l'attribution du statut de résident sera renforcé. Les immigrés ne pourront pas toucher d'aide sociale liée au travail lors de leurs trois premiers mois de résidence au Royaume-Uni. Les chômeurs ne pourront pas non plus toucher de prestations sociales après six mois d'inactivité s'ils ne peuvent pas apporter de preuves tangibles qu'ils possèdent de véritables chances de trouver un emploi. D'autres mesures, notamment liées à l'accès aux services de santé, devraient rapidement voir le jour.

Pour montrer sa détermination, Nigel Farage a surenchéri. Il a annoncé mercredi dernier sa volonté d'interdire l'installation de nouveaux citoyens européens dans le pays lors des cinq prochaines années et la possibilité de toucher des allocations à moins qu'ils n'aient payé des impôts au Royaume-Uni pendant cinq ans. Alors que les Britanniques ont vu leur niveau de vie baisser depuis 2008, ce durcissement est mieux accepté que jamais.