Le président ukrainien Viktor Ianoukovitch a promulgué vendredi de nouvelles lois visant à limiter les manifestations malgré les vives protestations de l'opposition et des pays occidentaux.

«Le chef de l'État a promulgué un certain nombre de lois» votées jeudi par le parlement ukrainien à ce sujet, a annoncé le bureau de M. Ianoukovitch.

Le président a en outre limogé le chef de l'administration présidentielle, Sergiy Liovotchkine, a ajouté son bureau.

Les Occidentaux avaient mis en garde vendredi l'Ukraine après le vote de ces lois jugées répressives à l'égard de l'opposition et qui selon eux écartent encore un peu de l'Union européenne ce pays en proie à un mouvement de contestation depuis près de deux mois.

L'opposition ukrainienne et des ONG ont dénoncé l'instauration d'une «dictature» à la suite de l'adoption de ces lois qui renforcent les sanctions contre les manifestants et introduisent comme en Russie la notion d'«agent de l'étranger».

Catherine Ashton, qui est à la tête de la diplomatie de l'UE, s'est dite «profondément préoccupée» par cette législation limitant «les droits fondamentaux».

Le gouvernement allemand a quant à lui fait part de sa «grande inquiétude» face à une évolution de la situation qui va «encore éloigner l'Ukraine de l'Europe».

Le ministre suédois des Affaires étrangères, Carl Bildt, ardent partisan du rapprochement de Kiev avec l'Union européenne, a indiqué que cette situation «alarmante» devait être au menu d'une réunion ministérielle de l'UE lundi.

Ce «genre de manoeuvre antidémocratique est extrêmement troublant et devrait inquiéter tous les pays qui veulent voir le peuple ukrainien pouvoir, non seulement exprimer ses souhaits, mais également les voir exaucés», a commenté le secrétaire d'Etat américain John Kerry.

Kiev dénonce une «ingérence»

L'Ukraine considère ces déclarations comme «des ingérences dans ses affaires intérieures», a réagi le chef de la diplomatie ukrainienne, Leonid Kojara, à l'occasion d'une rencontre avec les ambassadeurs de l'UE et des États-Unis.

Le Parlement ukrainien, dominé par les députés favorables au pouvoir en place, a voté jeudi une série de lois qui introduisent ou renforcent les sanctions à l'encontre des manifestants et obligent, comme en Russie, les ONG bénéficiant de financements occidentaux à s'enregistrer en tant qu'«agents de l'étranger».

Ce terme, appliqué aux opposants réels ou supposés à l'époque stalinienne, a refait surface dans la législation russe en 2012, après une vague de contestation du pouvoir du président Vladimir Poutine.

«C'est un crime. Ianoukovitch a fait un pas supplémentaire vers l'instauration d'une néo-dictature», a écrit, dans un message transmis par son avocat, l'opposante emprisonnée et ex-Première ministre Ioulia Timochenko.

«Ces lois, si elles sont promulguées par le président Viktor Ianoukovitch, empêcheront toute manifestation de désobéissance civile, ouvriront la voie à la répression et transformeront l'Ukraine en dictature», a de son côté estimé la branche locale de l'ONG Transparency International.

L'Ukraine connaît à son tour depuis près de deux mois un mouvement sans précédent de contestation de son régime, M. Ianoukovitch ayant renoncé fin novembre à signer un accord d'association avec l'Union européenne au profit d'un rapprochement avec Moscou.

Les manifestants ont installé des tentes sur la place centrale de Kiev et l'ont entourée de barricades. Ils contrôlent aussi la mairie, prise d'assaut début décembre.

D'autres textes prévoient des peines de prison de 15 jours pour l'installation non autorisée de tentes ou d'estrades dans des endroits publics et jusqu'à cinq ans de prison pour les personnes bloquant des bâtiments officiels.

Une loi punit d'amendes, voire de confiscation des véhicules, tout cortège d'automobilistes, comme ceux qui se sont rendus à plusieurs reprises dans la banlieue de Kiev à proximité de la résidence de M. Ianoukovitch, devenue le symbole de la corruption en Ukraine.

«Ce que la Russie a fait en 60 jours après l'investiture de Poutine (en 2012), l'Ukraine l'a fait en 20 minutes», a écrit sur son compte Twitter Rachel Denber, responsable pour l'Europe de Human Rights Watch.

Les dirigeants de l'opposition ukrainienne appellent à une nouvelle grande manifestation, dimanche à 10H00 GMT, la huitième depuis le début de la contestation.

Un tribunal de Kiev a rendu mercredi un jugement interdisant toute manifestation dans le centre de Kiev jusqu'au 8 mars.