Après deux attentats suicides dans la ville de Volgograd, il y a deux semaines, le Kremlin est sur les dents. Plus de 37 000 soldats et policiers patrouillent dans la vaste région de Sotchi. Défendus avec des avions de chasse, des batteries de missiles sol-air et plus de 11 000 caméras de surveillance, les Jeux olympiques seront les plus «sûrs» de l'histoire - sur papier. Pourtant, la menace terroriste persiste dans cette poudrière du Caucase du Nord.

En circulant dans les rues de Sotchi, cette semaine, les résidants et les touristes se sont butés à des points de contrôle où des hommes armés scrutaient leurs papiers d'identité.

Les gens qui faisaient la loi dans les rues n'étaient pas des policiers ou des militaires russes, mais bien des miliciens paramilitaires cosaques, groupe armé d'extrême droite soutenu par Moscou, dont le comportement anti-immigrants est souvent «caractérisé par la haine», selon Human Rights Watch.

«J'ai été très surpris d'être contrôlé par des miliciens cosaques, même tout près de l'aéroport, explique au téléphone Andreï Soldatov, journaliste d'enquête et expert des services de sécurité russes, qui a passé plusieurs jours à Sotchi cette semaine. Ils sont imposants et inspirent la crainte, mais n'ont aucune formation pour prévenir le terrorisme.»

À moins d'un mois de l'ouverture des Jeux olympiques, le Kremlin a déployé une force impressionnante dans la région de Sotchi, aux portes du Caucase du Nord, région isolée et densément peuplée. L'opération de plus de 2 milliards de dollars prévoit le déploiement de 37 000 soldats et policiers, des avions de chasse et des batteries de missiles sol-air, notamment. Plus de 11 000 caméras de surveillance sont en place dans la région, un record pour des Jeux olympiques.

Cette démonstration de force peut facilement faire oublier qu'assurer la sécurité des Russes et des étrangers durant les Jeux est un «cauchemar» pour les autorités russes, dit M. Soldatov.

Les trois récents attentats suicides dans la ville de Volgograd - un premier le 21 octobre, puis deux autres les 29 et 30 décembre - montrent que les groupes terroristes peuvent frapper où ils le veulent sur le territoire russe, pas seulement au Caucase du Nord.

«Les services secrets devraient présumer que les attentats de Volgograd ont été perpétrés pour créer une diversion, pour détourner l'attention dirigée sur Sotchi. Ce qui arrive ensuite, personne ne le sait. Mais les attentats ont montré que les groupes terroristes sont prêts.»

Le Moyen-Orient en Russie

Pour le professeur Pierre Jolicoeur, directeur du département de sciences politiques au Collège militaire royal du Canada et spécialiste du Caucase, il est difficile de surestimer la complexité des tensions et des dangers qui caractérisent la région du Caucase du Nord.

«C'est un peu comme si vous preniez le Moyen-Orient et que vous le concentriez sur une chaîne de montagnes, dit-il. Vous avez plus de 70 langues parlées, une centaine de groupes ethniques différents, et aussi des tensions importantes avec des groupes islamiques extrémistes armés.»

On en parle peu en Occident, mais des attentats terroristes de petite taille sont courants au Caucase du Nord. Le chef des djihadistes, le militant tché-tchène Dokou Oumarov, se bat pour créer un émirat du Caucase dans la région, un État indépendant qui serait soumis aux lois islamiques.

«Il y a des attentats pratiquement chaque semaine, dit M. Jolicoeur. Vous avez une explosion qui tue un policier russe, ou bien un garde qui perd la vie. Il y a des centaines de morts par an, et ce, depuis des années.»

Depuis 20 ans, les morts causées par le terrorisme dans la région s'élèvent à 5158, selon un récent décompte de Reuters.

Oumarov a donné l'instruction, depuis 2011, de ne frapper que les officiels de l'État russe, histoire de ne pas se mettre à dos les populations du Caucase du Nord. Pour Andreï Soldatov, Oumarov est peut-être derrière les attentats de Volgograd, qui n'ont pas été revendiqués jusqu'à maintenant. «Cela voudrait dire qu'il est désormais prêt à tuer des citoyens pour déstabiliser la Russie et nuire à Vladimir Poutine», dit-il.

En plus de la présence des djiha-distes, la ville de Sotchi est également située aux portes d'un conflit armé toujours non résolu. Plus de 15 000 soldats russes se trouvent en Ossétie du Sud, territoire revendiqué par la Géorgie, occupé par la Russie et les troupes sécessionnistes depuis la guerre des cinq jours, en 2008.

«La Géorgie a déclenché une offensive armée pour reprendre le contrôle de l'Ossétie du Sud le 8 août 2008, soit le jour de la cérémonie d'ouverture des Jeux olympiques de Pékin, dit M. Jolicoeur. On parle d'une guerre située à quelques kilomètres de Sotchi, littéralement.»