L'ancien ministre ukrainien de l'Intérieur et l'une des figures actuelles de l'opposition, Iouri Loutsenko, était hospitalisé samedi à Kiev pour commotion cérébrale, après avoir été battu la veille lors de heurts entre des manifestants pro-européens et la police.

«Les médecins ont constaté une commotion cérébrale» chez M. Loutsenko, a déclaré l'ex-ministre ukrainien de la Santé et député actuel du parti au pouvoir, Iouri Poliatchenko, qui s'est rendu à l'hôpital.

Hospitalisé au début en soins intensifs, «Iouri Loutsenko est actuellement en état stable. Il a été transféré vers une chambre d'hôpital ordinaire», a précisé M. Poliatchenko, cité par les médias ukrainiens.

Selon la femme de l'opposant, Irina Loutsenko, son mari a été frappé à coups de matraque par la police, alors qu'il tentait de mettre fin aux violences qui avaient éclaté entre manifestants et policiers.

Quelques centaines de manifestants s'étaient rassemblés vendredi soir à Kiev devant un tribunal qui avait condamné un peu plus tôt à six ans de prison trois hommes accusés d'avoir voulu faire sauter en 2011 une statue de Lénine près du principal aéroport de la ville.

Selon la télévision publique russe, les manifestants ont assailli à coups de pierres les forces antiémeutes déployées sur place et tenté d'empêcher les fourgons de police d'emmener en prison les trois hommes condamnés. Les forces antiémeutes ont alors riposté en tirant notamment des gaz lacrymogènes sur les manifestants.

La télévision ukrainienne a montré plusieurs personnes transportées sur des brancards vers une ambulance à la suite des heurts entre la police et les manifestants.

Outre M. Loutsenko, 17 opposants ont été blessés dans les heurts, dont onze ont été brièvement hospitalisés, selon la mairie de Kiev.

Pour sa part, le ministère de l'Intérieur a affirmé que 20 policiers avaient été blessés.

Les sites d'information de l'opposition ukrainienne ont publié des photos et des vidéos montrant M. Loutsenko avec un bandage sur la tête et un grand pansement sur l'oeil droit.

«Il a reçu une dizaine de coups sur la tête», a indiqué la porte-parole de l'opposant, Larissa Sargan, en ajoutant que M. Loutsenko avait perdu conscience à plusieurs reprises sur le chemin de l'hôpital.

«Nous allons déposer une plainte auprès du parquet et du ministère de l'Intérieur», a déclaré Mme Sargan à la radio russe Rusnovosti.

Le parquet ukrainien a annoncé samedi avoir ouvert une enquête à la fois sur l'action de la police et sur celle des manifestants.

«Les procureurs de Kiev ont lancé une procédure pour abus de pouvoir» de la police, a-t-il indiqué dans un communiqué.

Parallèlement, une enquête pour «hooliganisme, ingérence dans le travail de la justice et résistance à la police» a été ouverte.

«Ces actions sont passibles de peines allant jusqu'à cinq ans de prison», a souligné pour sa part le ministère de l'Intérieur.

M. Loutsenko, 49 ans, un ancien membre influent du gouvernement pro-occidental de l'ancienne Première ministre Ioulia Timochenko, avait été emprisonné en 2010 et libéré en avril dernier sous la pression de l'Union européenne.

L'Ukraine est le théâtre depuis le 21 novembre de manifestations en faveur de l'intégration européenne après le refus des autorités de signer un accord d'association avec l'UE en préparation depuis trois ans, au profit de la coopération économique avec Moscou.

La signature le 17 décembre à Moscou d'accord économiques qui prévoient un crédit de 15 milliards de dollars à l'Ukraine et la baisse d'un tiers du prix du gaz russe, au moment où le pays est au bord de la faillite, a semblé désarçonner les leaders de cette contestation, sans précédent depuis la Révolution orange pro-occidentale de 2004.

L'agression de la journaliste ukrainienne Tetiana Tchornovol, en première ligne dans la contestation pro-européenne, sauvagement battue fin décembre par des inconnus, a donné un nouveau souffle au mouvement qui réclame le départ du président et la démission du gouvernement.

L'opposition a prévu un nouveau grand rassemblement dimanche à Kiev sur la place de l'Indépendance, haut lieu de la contestation.