Deux Britanniques d'origine nigériane se présentant comme des «soldats d'Allah» ont été reconnus jeudi coupables du meurtre d'un soldat en civil dans les rues de Londres, crime qui avait révolté le Royaume-Uni en mai dernier.

Les douze jurés ont retenu le premier des deux chefs d'accusation contre Michael Adebolajo et Michael Adebowale, passibles de la prison à perpétuité. Les peines seront prononcées ultérieurement, peut-être au début 2014.

La tentative d'assassinat sur un policier n'a en revanche pas été retenue devant le tribunal de l'Old Bailey à Londres. Les deux accusés s'étaient précipités vers les policiers, armés d'un revolver non chargé datant de l'après-guerre de 14-18, dans l'espoir de «tomber en martyrs».

Des membres de la famille de Lee Rigby, vétéran d'Afghanistan tué et quasi décapité en plein jour le 22 mai dernier, étaient en pleurs au moment du verdict.

Michael Adebolajo a embrassé un exemplaire du Coran avant d'être emmené, sirènes hurlantes, vers la prison de haute sécurité de Belmarsh, dans le sud-est de Londres.

Adebolajo, 29 ans, et son complice âgé de 22 ans avaient plaidé non coupables du meurtre qualifié de «barbare» par l'accusation. «Un des crimes les plus sauvages sur lequel on n'a jamais travaillé», a souligné Sue Hemming, responsable de l'enquête.

Pour justifier ses actes, Adebolajo a déclaré pendant le procès qu'il était en «mission» en tant que «soldat d'Allah» et «en guerre contre la Grande-Bretagne», en invoquant la loi du talion.

Le deuxième accusé a préféré se taire à la barre, mais s'est dit solidaire des propos de son complice.

Les deux hommes ont connu des parcours étonnamment comparables : d'origine nigériane, chrétiens, ils ont grandi à Londres dans des familles de classe moyenne. Avant de se convertir à l'islam au sortir de l'adolescence, et de fréquenter des gangs.

«Loups solitaires»

Leurs familles, inquiètes de leurs fréquentations, ont tenté en vain d'empêcher leur radicalisation. En 2010, Adebolajo a été arrêté au Kenya, près de la frontière somalienne, soupçonné de vouloir rejoindre les islamistes shebab.

Dans une interview diffusée jeudi par la BBC, le prêcheur radical Omar Bakri, réfugié au Liban après un long séjour à Londres, a dit «sa fierté» d'avoir compté Adebolajo au nombre de ses disciples.

Les services secrets et la police britannique ont pour leur part admis qu'ils avaient les deux hommes «sur leur radar», sans les considérer pour autant comme dangereux au point de les arrêter. Des experts du renseignement les ont qualifiés de «loups solitaires» difficiles à appréhender.

Plusieurs vidéos et de nombreux témoignages ont reconstitué l'horreur de leur geste, en cours d'audience.

Les deux jeunes gens ont d'abord renversé en voiture Lee Rigby, avant de le poignarder et de tenter de le décapiter, «comme un boucher», sous les yeux effarés de nombreux témoins.

Les vidéos tournées par des passants avec leur téléphone portable et aussitôt diffusées ont fait le tour de la planète.

Elles montrent notamment Adebolajo expliquant avoir vengé les «musulmans tués par des soldats britanniques», en tenant le hachoir dans ses mains ensanglantées.

Durant le procès, Adebolajo a dit «adorer Al-Qaïda» et considérer comme ses «frères» les «moudjahidin» de la nébuleuse. Il a fustigé les «dirigeants» britanniques, qu'il a qualifiés de «diaboliques, corrompus, égoïstes et oppressifs».

Mais il s'est montré poli et coopératif avec la police, qu'il est allé jusqu'à remercier à plusieurs reprises, a présenté ses excuses aux témoins d'avoir dû assister à une scène aussi violente. Son avocat a rapporté qu'il avait payé son ticket de stationnement le matin même du crime.

Jeremiah Adebolajo, le frère de l'un des condamnés, a déclaré à la chaîne Al Jazeera que cette attaque était «inévitable» et son motif «évident». Lui-même converti à l'islam, il a prévu qu'il y aurait d'autres attaques de même nature.

Trois jours après le meurtre, un jeune converti à l'islam avait agressé à l'arme blanche un militaire français en patrouille à la Défense, près de Paris, déclarant ensuite avoir «voulu faire comme à Londres».

Depuis la Belgique, le premier ministre David Cameron a souligné la nécessité de «redoubler d'efforts pour combattre le discours empoisonné d'extrémisme et de violence qui est à la source» de tels actes.

PHOTOS AFP/POLICE MÉTROPOLITAINE DE LONDRES

Michael Adebolajo (à gauche) et Michael Adebowale.