Deux Grecs, militants présumés du parti néo-nazi Aube dorée, comparaissent depuis mercredi devant un tribunal criminel d'Athènes, soupçonnés d'avoir assassiné en le poignardant un jeune Pakistanais.

Le procès de Dionyssis Liakopoulos et Christos Steriopoulos, 25 et 29 ans, qui encourent la prison à vie, s'est ouvert dans une ambiance calme, mais sous forte surveillance policière.

Dans la matinée, une vingtaine de membres d'organisations de défense des immigrés et des droits de l'homme ont manifesté aux abords du Palais de Justice. Des personnes ont par ailleurs invectivé les parents de Christos Steriopoulos lors d'une suspension d'audience.

Le procès doit durer plusieurs semaines et les parents de la victime, Shehzad Luqman, 27 ans, venus du Pakistan, sont attendus pour les prochaines audiences.

Les deux hommes avaient été arrêtés le 17 janvier, sur la base du témoignage d'un chauffeur de taxi, quelques heures après la mort de Shehzad Luqman. Selon le témoin, ils ont agressé par derrière le jeune homme, qui circulait à vélo dans le quartier athénien de Pétralona, en contrebas de l'Acropole.

Les accusés ne contestent pas la rixe sur la victime, qui, selon eux, bloquait le passage avec son vélo. Mais ils nient l'intention homicide, et l'appartenance à Aube dorée.

Une perquisition au domicile de Dionyssis Liakopoulos avait pourtant permis de découvrir des tracts de ce parti, selon Me Kostas Papadakis, un des avocats de la partie civile.

Selon l'acte d'accusation, des armes prohibées, couteaux et matraques, ont été découvertes chez les deux hommes. Liakopoulos est celui des deux accusés qui aurait en outre porté le coup de couteau fatal à la poitrine.

«Partie émergée de l'iceberg»

Pour sa part, Christos Steriopoulos a exprimé dans une déclaration écrite «sa tristesse» face au «décès tragique» de la victime. Il a indiqué n'avoir fait que porter un coup à la jambe du jeune Pakistanais. Il a assuré «n'avoir aucune implication idéologique dans Aube dorée», et même «dénoncer ce parti».

Des propos qui n'ont pas semé le doute chez Petros Konstandinou, représentant du mouvement antifasciste : «Dans ces cas-là, ils nient toujours», a-t-il indiqué à la presse. «Aujourd'hui, journée internationale des migrants, j'espère que la justice fera son travail et les condamnera», a-t-il ajouté, estimant que cette affaire n'était que «la partie émergée de l'iceberg» des méfaits d'Aube dorée.

Le représentant de la communauté pakistanaise Ashlam Tzavent a estimé qu'il y aurait eu ces dernières années «six ou sept assassinats» d'immigrés par Aube dorée et «des dizaines d'agressions», qui n'ont pas été poursuivis.

Ce procès intervient trois mois après l'assassinat de Pavlos Fyssas, un musicien et militant antifasciste grec, poignardé en septembre par un membre d'Aube dorée près d'Athènes.

Cet assassinat, qui a choqué la Grèce, a poussé les autorités à lancer une offensive policière et judiciaire sans précédent contre ce parti, dont six députés ont été mis en examen pour «appartenance à une organisation criminelle». Trois d'entre eux, dont le fondateur et dirigeant du parti, Nikos Michaloliakos, sont en détention provisoire.

Aube dorée est néanmoins troisième en terme d'intentions de vote dans les sondages, derrière Nouvelle-Démocratie (droite) au pouvoir et Syriza (gauche radicale), principal parti d'opposition.

Le parti apparu dans les années 80, qui pratique un discours ouvertement xénophobe et antisémite, avait agi longtemps comme un groupuscule semi-clandestin.

Mais, depuis l'éclosion de la crise en 2010, il ne cesse de se renforcer, surfant sur le brutal appauvrissement des Grecs.

Il a fait son entrée au Parlement lors des législatives de juin 2012, obtenant 18 des 300 sièges.

Avant la mort de Pavlos Fyssas, Aube dorée n'était pas particulièrement inquiétée par les autorités.

Dans un récent communiqué, le Mouvement contre le racisme et la menace fasciste l'a regretté : «Si les autorités avaient enquêté (plus tôt)sur les milices d'assaut, organisées par Aube dorée, on n'en serait pas arrivé à l'assassinat de Pavlos Fyssas».