Le président russe Vladimir Poutine a annoncé mardi que Moscou accordait 15 milliards de dollars à l'Ukraine et baissait le prix du gaz qu'elle lui vend, lors d'une visite du président ukrainien au Kremlin dénoncée par l'opposition pro-européenne.

Cette annonce a été faite alors que les opposants au président Viktor Ianoukovitch, qui manifestent depuis près de quatre semaines, l'accusent de vouloir «vendre» à la Russie leur pays, en profonde récession et au bord de la faillite.

«Compte tenu des problèmes de l'économie ukrainienne (...), le gouvernement russe a décidé de placer une partie de ses réserves (...) dans des titres du gouvernement ukrainien, à hauteur de 15 milliards de dollars», a déclaré M. Poutine à l'issue de ses discussions avec son homologue ukrainien.

Baisse du prix du gaz

«Ce n'est lié à aucune condition, ni à une hausse, ni à une baisse, ni au gel des avantages sociaux, des retraites, des bourses ou des dépenses», a-t-il souligné, faisant allusion aux conditions posées par le Fonds monétaire international (FMI) pour l'octroi d'un prêt à Kiev.

L'institution basée à Washington, avec laquelle l'Ukraine négocie depuis des années, exige des réformes de rigueur budgétaire, dont une hausse du prix du gaz.

Le ministre russe des Finances, Anton Silouanov, a ensuite précisé que cet argent serait investi immédiatement, en 2013, et en 2014 dans des obligations émises par l'Ukraine, selon les agences russes.

M. Poutine a aussi indiqué que la Russie avait accepté de réduire d'un tiers le prix du gaz qu'elle exporte en Ukraine, qui coûtera désormais 268,5 $ les 1000 mètres cubes contre plus de 400 actuellement.

M. Poutine a par ailleurs affirmé que la question de l'adhésion de l'Ukraine à l'Union douanière menée par Moscou, redoutée par l'opposition pro-européenne en Ukraine, n'avait pas été évoquée lors des négociations.

Les deux pays ont toutefois conclu un accord prévoyant de lever les «limitations commerciales» entre les deux pays jusqu'à fin 2014.

Au début de leurs discussions, M. Ianoukovitch avait plaidé pour un «partenariat stratégique» avec la Russie, plus à même selon lui de faire sortir l'Ukraine de la crise que la signature de l'accord d'association avec l'UE - en préparation depuis 3 ans -, très mal vu par Moscou.

Son refus fin novembre de signer cet accord historique a poussé des centaines de milliers de personnes à descendre dans la rue et a plongé le pays dans une crise politique inédite depuis la Révolution orange pro-occidentale de 2004.

À Kiev, l'opposition qui manifeste et occupe la place de l'Indépendance au centre de Kiev depuis près de quatre semaines et a notamment mobilisé environ 300 000 personnes dimanche avait appelé à un nouveau rassemblement mardi soir.

L'un de ses chefs de file, le célèbre boxeur Vitali Klitschko, a annoncé mardi mettre fin à sa carrière sportive pour briguer la présidence du pays et a réclamé une élection présidentielle anticipée dès le mois de mars.

Un aller simple Kiev-Moscou

Avant la rencontre entre M. Ianoukovitch et M. Poutine, un autre leader de l'opposition, Arseni Iatseniouk, a mis en garde M. Ianoukovitch contre toute initiative sur une adhésion de l'Ukraine à l'Union douanière pilotée par Moscou.

«Ce serait pour lui un billet aller simple. S'il fait ça, il peut ne pas revenir de Moscou», a-t-il lancé.

Environ 200 militants pro-européens se sont postés mardi matin sur la route de l'aéroport que devait emprunter le président, a indiqué le parti Batkivchtchina (la Patrie) sur son site.

Selon la même source, M. Ianoukovitch a finalement choisi de rejoindre l'aéroport en hélicoptère.

Le président «a eu peur des Ukrainiens», a affirmé un député du parti Batkivchtchina Maxime Bourbak, selon le parti, qui est celui de l'opposante emprisonnée Ioulia Timochenko.

Deux ex-ministres ukrainiens des Affaires étrangères, Boris Tarassiouk et Volodymyr Ogryzko, ont de leur côté publié mardi une lettre ouverte à leurs anciens collègues diplomates. «N'oubliez pas que les diplomates ukrainiens ne vendent pas leur pays et leur peuple», ont-ils écrit.

Face aux atermoiements du pouvoir ukrainien, le commissaire européen à l'Élargissement Stefan Fuele a annoncé dimanche que les discussions en vue d'un accord d'association avec l'Ukraine étaient suspendues, faute d'«engagement clair» de M. Ianoukovitch à signer ce document.

Les ministres européens des Affaires étrangères avaient tenté lundi de rassurer leur homologue russe Sergueï Lavrov, affirmant qu'un éventuel rapprochement entre l'Ukraine et l'UE n'aurait «aucun impact négatif» sur la Russie.

Autre élément qui n'est pas fait pour améliorer les relations entre Moscou et l'UE, la Russie a confirmé avoir déployé des batteries de missiles de courte portée Iskander-M dans la région de Kaliningrad, frontalière de l'Union européenne, une annonce faite au départ par la presse allemande qui a suscité l'inquiétude en Europe et aux États-Unis.