Le président ukrainien a limogé samedi deux hauts responsables, dont le maire de Kiev, pour avoir ordonné la violente dispersion d'une manifestation, dans un geste de conciliation à l'égard de l'opposition pro-européenne qui prévoit une nouvelle manifestation massive dimanche.

Viktor Ianoukovitch «a révoqué le secrétaire adjoint du Conseil de sécurité nationale et de défense de l'Ukraine Volodymyr Sivkovitch et le chef de l'administration de Kiev (le maire) Olexandre Popov», a annoncé la présidence dans un communiqué.

Cette décision a été prise «à la demande du parquet général d'Ukraine qui soupçonne ces personnalités d'avoir violé les droits des citoyens qui se trouvaient le 30 novembre sur la place de l'Indépendance à Kiev», a-t-elle ajouté.

La police antiémeute avait dans la nuit du 29 au 30 novembre dispersé de manière violente une manifestation sur cette place centrale, faisant des dizaines de blessés dont de nombreux étudiants.

Le procureur général Viktor Pchonka a précisé que les deux responsables limogés avaient poussé le chef de la police, dans le bureau duquel ils se trouvaient, à user de la force.

Mesures insuffisantes

Les manifestants protestaient contre le refus à la dernière minute du président ukrainien de signer un accord d'association avec l'Union européenne en préparation depuis trois ans, et ce au profit de la Russie.

Ces violences, perpétrées à un endroit symbolique de la Révolution orange de 2004, a suscité l'indignation dans le pays et à l'étranger, et poussé l'opposition à demander la démission de M. Ianoukovitch.

Après avoir mobilisé des centaines de milliers de personnes les deux dimanches précédents, l'opposition appelle à une nouvelle grande manifestation le 15 décembre.

Samedi soir, la place de l'Indépendance était déjà noire de monde, plusieurs dizaines de milliers de personnes scandant «Démission !».

Le célèbre groupe rock ukrainien Okean Elzy y a donné un concert.

Le champion du monde de boxe et dirigeant du parti Oudar (Coup) Vitali Klitschko, un des chefs de file de la contestation, a jugé samedi que les sanctions présidentielles étaient «insuffisantes».

Dans la soirée, il a rencontré avec deux autres dirigeants de l'opposition le sénateur républicain et ancien candidat à la présidentielle américaine John McCain.

«Il faut faire pression sur le gouvernement pour rendre impossible le recours à la force contre les manifestants», a souligné M. Klitschko.

«Bonne conversation et dîner avec les leaders de l'opposition», a écrit M. McCain sur son compte Twitter.

Les États-Unis ont déclaré cette semaine réfléchir à d'éventuelles sanctions contre des responsables ukrainiens à la lumière de la répression contre l'opposition pour laquelle Washington a clairement pris parti.

M. McCain s'est également entretenu samedi avec le chef de la diplomatie ukrainienne Leonid Kojara, qui «a souligné que l'intégration européenne était une priorité pour l'Ukraine», selon le ministère.

Des dizaines de milliers de partisans de M. Ianoukovitch se sont mobilisés samedi à Kiev en guise de riposte face à l'opposition pro-européenne qui campe depuis plus de trois semaines dans la capitale.

Selon la police, environ 60 000 personnes ont afflué en début d'après-midi sur la place de l'Europe, à seulement quelques centaines de mètres de la place de l'Indépendance où des barricades de plus de deux mètres de haut, renforcées par des amas de neige tassée, des sacs de sable, des barils et des fils barbelés, ont été dressées.

L'Occident «a perdu le sens des réalités»

Les détracteurs de Viktor Ianoukovitch craignent que ce dernier ne signe dès mardi des accords économiques au cours d'une visite à Moscou, malgré les démentis des autorités.

Jeudi, le président russe Vladimir Poutine, accusé par les Européens de pressions sur l'Ukraine, avait vanté les «intérêts économiques réels» d'une entrée de ce pays en récession et au bord de la faillite, dans l'Union douanière dont Moscou est le chef de file.

Selon les experts, Kiev pourrait rapidement obtenir une baisse des prix du gaz, voire un crédit.

Le ministre russe des Affaires étrangères, Sergueï Lavrov, a pour sa part jugé samedi que le mouvement de protestation était l'oeuvre de «provocateurs».

«Le fait que nos partenaires occidentaux aient, semble-t-il, perdu le sens des réalités m'attriste profondément», a-t-il déclaré à la télévision russe.

Jeudi, l'UE, à l'issue de négociations avec une délégation ukrainienne à Bruxelles, avait demandé aux autorités ukrainiennes de s'engager «clairement» sur la voie européenne, promettant un soutien financier «à la hauteur de ses ambitions».