Le procès d'une femme portant un voile intégral, au coeur d'un contrôle policier mouvementé cet été, a rouvert mercredi le débat en France sur le voile intégral dans l'espace public, avec la remise en cause de la constitutionnalité de la loi qui l'interdit.

Le tribunal rendra le 8 janvier sa décision.

Cassandra Belin, jeune femme de 20 ans convertie à l'islam depuis ses 15 ans, au coeur de l'affaire, était absente à l'audience devant le tribunal correctionnel de Versailles, près de Paris.

«Elle ne veut pas être perçue à tort comme le symbole d'une supposée islamisation rampante», a justifié son avocat Me Philippe Bataille. Le voile intégral, lui, était omniprésent dans les débats.

Soutenu par le Collectif contre l'islamophobie en France, l'avocat a déposé devant ce tribunal «une question prioritaire de constitutionnalité» contre la loi interdisant le port du voile intégral, «une première» selon lui contre cette «loi liberticide» en vigueur depuis avril 2011. Cette procédure oblige le tribunal à se prononcer sur la conformité du texte avec la Constitution du pays.

Le Conseil constitutionnel avait validé cette loi avant sa promulgation en octobre 2010, après trois ans de débats passionnés. Mais pour Me Bataille, ses membres n'ont pas été appelés à se prononcer sur des atteintes à «la liberté de culte, la liberté d'aller et venir, la dignité humaine».

Le soir du 18 juillet, en plein ramadan, Cassandra rentrait avec son mari de 21 ans, son bébé et sa mère pour rompre le jeûne chez cette dernière. Trois policiers se sont présentés pour contrôler l'épouse, qui porte un voile intégral. Mais les choses ont dégénéré lorsque la mère a voulu s'interposer entre le couple et les policiers.

Au lendemain de ce contrôle d'identité tendu, le commissariat de Trappes, la banlieue où se sont déroulés les faits, était pris d'assaut par une foule en colère réclamant la libération du mari, Michaël Khiri, en garde à vue.

Il a été condamné à 3 mois de prison avec sursis, pour s'être violemment opposé à ce contrôle, qu'il avait jugé «illégitime».

«Forte suspicion sur le contrôle d'identité»

Sur le contrôle, l'épouse, jugée pour outrage et port du voile intégral, admet un «Ferme ta gueule!», mais nie avoir lancé aux policiers «Allah va t'exterminer!'.

Entretemps, le parquet de Versailles a ouvert une information judiciaire contre l'un des trois policiers ayant participé au contrôle d'identité pour «incitation à la haine et à la discrimination raciale». Il avait notamment publié sur son compte Facebook une photo du groupe «Les femmes blanches sont les plus belles» dénigrant une femme en niqab.

Pour Me Bataille, ce volet montre que «la loi ne doit pas être mise entre les mains de policiers islamophobes».

«Cassandra Belin n'a pas été contrôlée parce qu'elle était musulmane, mais qu'elle était en infraction. Les conditions du contrôle étaient irréprochables», a contesté à l'audience l'avocat des trois policiers, Me Thibault de Montbrial.

«Il faut que la République soit ferme et résiste (...) sinon on viendra nous demander dans 10-15 ans la polygamie et la charia», a-t-il déclaré à la sortie du tribunal.

Le ministère public a lui évoqué la nécessité de restaurer «le rapport entre police et population qui manifestement ne se comprennent pas». Il a requis 500 euros (environ 730 $) d'amende pour l'outrage et 150 (près de 220 $) pour le port du niqab.

Cette loi a déjà été contestée le 27 novembre devant la Cour européenne des droits de l'homme à Strasbourg, saisie par une Française de 23 ans portant le niqab. La décision, sans appel, sera rendue en 2014.

Le vote de cette loi s'inscrit en marge d'un débat persistant en France sur la place de l'islam dans la société.

Le voile intégral concerne moins de 2000 femmes en France, selon les autorités, sur un total de 5 à 6 millions de musulmans. La France est le deuxième pays européen après la Belgique où il a été interdit dans tout l'espace public.