Le premier ministre menace les manifestants de poursuites, les arrestations commencent et l'université est sommée de dénoncer les étudiants : confronté à une contestation sans précédent depuis la Révolution orange de 2004, le pouvoir ukrainien s'en prend aux opposants.

«Je veux dire aux gens : vos leaders vous poussent au crime. Ils vont se réfugier derrière leur immunité parlementaire et vous n'avez pas de moyen de vous protéger», a déclaré le chef du gouvernement Mykola Azarov en ouvrant mercredi le Conseil des ministres, le premier depuis la mobilisation de l'opposition dans les rues de Kiev.

La veille, un tribunal de Kiev a placé en détention provisoire pour deux mois neuf suspects de troubles dimanche devant l'administration présidentielle, une décision dénoncée mercredi par l'opposition.

Décisions de justice «criminelles»

«Ces neuf personnes, dont des journalistes, entrepreneurs et pères de famille nombreuse, ont été illégalement interpellées», a déclaré Arseni Iatseniouk, l'un des leaders de l'opposition, accusant les forces de l'ordre de «couvrir» ainsi les agissements illégaux des policiers.

Toutes les décisions sont basées sur les témoignages d'un même membre des troupes anti-émeute, a-t-il ajouté, les qualifiant de «criminelles».

Il a appelé les ambassadeurs occidentaux à se rendre au procès en appel.

Les épouses des suspects, interrogées par la télévision ukrainienne 1+1, ont déclaré, images vidéo à l'appui, que leurs maris n'avaient pas participé aux troubles, mais avaient été tabassés par des policiers. Ils souffrent de commotion cérébrale et ont des côtes cassées.

Le procureur général Viktor Pchonka a pour sa part fait état de «nombreux cas de violation de la loi» lors des manifestations, selon un communiqué disponible sur le site du parquet.

Il a cité à titre d'exemple «l'occupation de la mairie et de la Maison des syndicats, le siège du gouvernement, les appels à prendre d'assaut l'administration présidentielle et les routes bloquées».

«Ces agissements n'ont rien à voir avec des manifestations pacifiques. Ce sont des violations de la loi passibles de poursuites», souligne-t-il.

Le ministère ukrainien de l'Intérieur a annoncé mercredi que 53 enquêtes avaient été ouvertes pour «infractions de la loi autour des bâtiments administratifs à Kiev».

Étudiants dans le collimateur

L'Université de Kiev a été sommée de fournir les listes d'étudiants susceptibles d'avoir pris part aux manifestations pro-européennes et contre le pouvoir, a rapporté mercredi le quotidien en ligne Ukraïnska Pravda.

Le parquet général demande à la direction de l'Université de fournir des informations concernant les étudiants et les professeurs absents des cours entre le 29 novembre et le 2 décembre au moment des manifestations-monstres à Kiev, écrit Ukraïnska Pravda.

Le site publie un fac-similé de l'ordre du parquet.

Celui-ci ordonne également de donner les noms des «instigateurs et militants qui ont appelé les étudiants à participer à des actions de protestation de masse».

Il demande si «des mesures ont été prises pour interdire aux étudiants d'y participer et si oui lesquelles».

La police a violemment dispersé dans la nuit de vendredi à samedi une manifestation sur la place de l'Indépendance, haut lieu de la Révolution orange en 2004 qui avait renversé le pouvoir en place et porté au pouvoir des pro-occidentaux.

Les violences ont fait plusieurs dizaines de blessés, principalement des étudiants.