Le premier ministre ukrainien Mykola Azarov a dénoncé lundi un «coup d'État» en cours à Kiev où les manifestants bloquent le siège du gouvernement, après une manifestation monstre la veille contre le pouvoir et pour le rapprochement avec l'Europe.

«Ce qui se passe présente tous les signes d'un coup d'État. C'est une chose très sérieuse. Nous faisons preuve de patience, mais nous ne voulons pas que nos partenaires pensent que tout leur est permis», a déclaré M. Azarov, cité par les agences ukrainiennes au cours d'une rencontre avec les ambassadeurs du Canada, de l'Union européenne et des États-Unis.

Il a également affirmé qu'une prise d'assaut du Parlement était en préparation, sans donner plus de précisions.

Le président russe Vladimir Poutine, qui a joué un rôle décisif pour dissuader Kiev de signer l'accord avec l'UE, a lui aussi fustigé lundi les manifestations en Ukraine «préparées de l'extérieur» et qui «ressemblent plus à un pogrom qu'à une révolution».

Motion de défiance examinée mardi

Dans un geste de conciliation, le président du Parlement Volodymyr Rybak a indiqué qu'il allait mettre mardi à l'ordre du jour la question de la défiance du gouvernement comme le réclame l'opposition.

«Je vais soumettre cette question à la Rada», a déclaré M. Rybak, un proche du président Viktor Ianoukovitch, après avoir rencontré les leaders de l'opposition. Il a laissé entendre que le Parti des régions - au pouvoir - et dont il est membre ne soutiendrait pas une telle initiative.

Le président Ianoukovitch a pour sa part reconnu dans une interview aux télévisions ukrainiennes que les forces de l'ordre étaient «allées trop loin» en utilisant la force contre les manifestants.

«Cela ne peut pas se justifier. Mais nous comprenons qu'ils ont été provoqués», a-t-il souligné.

Le chef de la police de Kiev a été limogé lundi.

Le président ukrainien a par ailleurs pris l'initiative lundi d'appeler le chef de la Commission européenne, José Manuel Barroso pour lui promettre de procéder à une «enquête sur l'usage de la force par la police».

Il a aussi laissé entendre que l'intégration européenne était toujours sur la table en demandant à M. Barroso de recevoir une délégation ukrainienne pour discuter «de certains aspects de l'accord d'association» que Kiev a refusé de signer la semaine dernière.

Grèves dans l'Ouest

Plusieurs régions de l'Ouest nationaliste et pro-occidental ont répondu lundi à l'appel de l'opposition à la grève générale.

Le maire d'Ivano-Frankivsk, ville de plus de 200 000 habitants, Viktor Anouchkevitchous, a déclaré adhérer au mouvement et cesser le travail avec ses adjoints en «soutien aux grévistes».

Les autorités de Lviv, une autre ville de l'ouest du pays, ont également publié un communiqué de soutien à l'opposition.

Les manifestants de l'opposition ukrainienne, dont plusieurs milliers ont passé la nuit dans le centre de Kiev après une grande manifestation, bloquaient lundi matin le siège du gouvernement, avec l'intention de forcer le pouvoir à partir.

Plusieurs milliers de manifestants d'opposition bloquaient lundi matin les accès au gouvernement ukrainien dans le centre de Kiev, conformément aux mots d'ordre lancés la veille par les leaders du mouvement.

Ceux-ci, dont le champion du monde poids lourd de boxe Vitali Klitschko, étaient forts du succès de la manifestation qui a rassemblé plus de 100 000 personnes à Kiev, et des dizaines de milliers dans d'autres villes du pays, soit la plus forte mobilisation depuis la Révolution orange de 2004.

Les manifestants, qui réclament le départ du président Viktor Ianoukovitch, affluaient autour du siège du gouvernement depuis la place de l'Indépendance, située à quelques centaines de mètres de là, et où des milliers d'entre eux ont passé la nuit après la manifestation de la veille.

«Azarov, en prison!», scandaient des manifestants, évoquant le premier ministre ukrainien. «Vive l'Ukraine!» criaient d'autres, avant de chanter l'hymne national.

Toutes les rues situées autour du siège du gouvernement ont également été bloquées par des automobilistes sympathisants de l'opposition.

«Nous en avons assez de ce gouvernement de gangsters, de bandits. Tout est corrompu», a expliqué à l'AFP Ivan Filipovitch, 51 ans, le propriétaire d'une des voitures qui bloquaient les accès au gouvernement.

«Nous voulons nous rapprocher des pays normaux, pas de la Russie», a-t-il ajouté, arborant sur sa voiture un drapeau ukrainien et celui de l'UE.

Les manifestants distribuaient des boissons chaudes dans leurs rangs, sous la neige.

Certains jeunes gens parmi eux portaient cependant des masques et cagoules, comme ceux qui avaient tenté de prendre d'assaut l'administration présidentielle dimanche en marge de la manifestation, dans des affrontements qui ont fait 165 blessés, selon un bilan communiqué lundi.

Une rangée de policiers gardait l'accès au gouvernement lundi matin, et une journaliste de l'AFP a vu non loin quatre camions des forces spéciales antiémeute Berkout.

Les leaders de l'opposition ont appelé dimanche soir à occuper le quartier gouvernemental dans le centre de Kiev jusqu'à la démission du gouvernement et du président Viktor Ianoukovitch.

Les manifestants ont investi dimanche la mairie de Kiev et la Maison des syndicats, un autre bâtiment officiel dans le centre-ville.

Le président Ianoukovitch tenait au même moment une réunion d'urgence dans sa résidence de la banlieue de Kiev avec le ministre de l'Intérieur Vitali Zakhartchenko.

Le porte-parole du premier ministre, Vitali Loukianenko, a cependant démenti lundi matin les rumeurs selon lesquelles l'instauration de l'état d'urgence était envisagée.

«La question n'a pas été abordée», a déclaré le porte-parole, cité par l'agence Interfax.

La mobilisation de l'opposition a été provoquée il y a une dizaine de jours par la volte-face du pouvoir ukrainien, qui a suspendu la signature d'un accord d'association avec l'Union européenne, en préparation depuis des mois, pour se tourner vers la Russie.

Une manifestation il y a une semaine à Kiev avait déjà rassemblé des dizaines de milliers de personnes.

La mobilisation s'est renforcée après que M. Ianoukovitch a confirmé vendredi pendant un sommet à Vilnius son refus de signer l'accord d'association avec l'UE.

Ioulia Timochenko, ex-première ministre actuellement emprisonnée dont l'UE a demandé en vain la libération, a alors appelé à «renverser» le pouvoir actuel en descendant dans la rue.

Les dirigeants européens ont de leur côté exprimé leur amertume la semaine dernière à l'égard de la Russie, qui a pesé de tout son poids pour empêcher l'ex-république soviétique de se rapprocher de l'Europe.

Mais M. Ianoukovitch, qui a maintenu une visite en Chine prévue du 3 au 6 décembre, a fait savoir qu'il se rendrait ensuite à Moscou pour signer avec son homologue russe Vladimir Poutine une «feuille de route de coopération».

La direction ukrainienne, qui a pris soin d'affirmer qu'elle maintenait son orientation européenne malgré la suspension du processus d'association, a également indiqué qu'elle envoyait une délégation à Bruxelles cette semaine pour parler coopération économique.

PHOTO GLEB GARANICH, REUTERS

Le premier ministre ukrainien Mykola Azarov.

Pas un coup d'État jugent les États-Unis

La Maison-Blanche a affirmé lundi que les manifestations actuelles en Ukraine ne constituaient pas à ses yeux un coup d'État, et qualifié d'«inacceptable» la répression des protestataires par la police.

«Nous ne considérons certainement pas des manifestations pacifiques comme des coups d'État», a déclaré le porte-parole du président Barack Obama, Jay Carney, après que le Premier ministre ukrainien Mykola Azarov eut dénoncé un «coup d'État» en cours.

«La violence des autorités contre des manifestants pacifiques samedi matin à Kiev est inacceptable», a affirmé M. Carney lors de son point de presse quotidien, tout en ajoutant prendre «acte du fait que la police a fait preuve en général de retenue depuis».

Il a toutefois noté des «informations perturbantes sur des journalistes et des membres de médias visés et attaqués par les forces de sécurité», et indiqué que les États-Unis «exhortent les dirigeants ukrainiens à respecter la liberté d'expression et de réunion».

Ces droits «sont fondamentaux pour une démocratie saine, et le respect des valeurs universelles desquelles dépend le partenariat des États-Unis avec l'Ukraine», a encore dit M. Carney.

M. Azarov a dénoncé lundi un «coup d'État» en cours à Kiev où les manifestants bloquent le siège du gouvernement, après une manifestation monstre la veille contre le pouvoir et pour le rapprochement avec l'Europe.

Les manifestants de l'opposition pro-européenne ont l'intention de forcer le pouvoir à partir, à la suite de son refus de signer un accord d'association avec l'UE.

Il s'agit d'une mobilisation sans précédent depuis la Révolution orange de 2004, qui avait renversé le gouvernement en place et porté alors au pouvoir des pro-occidentaux.