Le premier ministre ukrainien a reconnu mardi pour la première fois que la Russie avait dissuadé Kiev de signer un accord d'association avec l'Union européenne, tout en affirmant que ce choix n'était pas définitif.

Le chef du gouvernement, Mykola Azarov, a fait ces déclarations devant la presse étrangère à Kiev, alors que des milliers de manifestants sont attendus mardi soir pour la troisième journée consécutive dans le centre de la capitale ukrainienne, où la Place de l'Europe est occupée depuis dimanche par des militants d'opposition, qui y ont installé tentes et braséros pour faire face à l'arrivée de la neige.

Ces manifestations sont les plus importantes depuis la Révolution orange pro-occidentale de 2004.

Le ton est monté entre l'UE et la Russie depuis l'annonce la semaine dernière de la suspension par l'Ukraine des préparatifs de cet accord, qui devait être signé lors du sommet du partenariat oriental de l'UE prévu jeudi et vendredi à Vilnius.

Les dirigeants européens ont dénoncé lundi les pressions de la Russie sur l'ex-république soviétique, mais le Kremlin leur a répété mardi la fin de non-recevoir opposée par Vladimir Poutine la semaine dernière, qui les avait accusés à son tour de «menace et chantage».

M. Azarov a cependant confirmé mardi que la décision de Kiev de suspendre la signature de l'accord avait bien été inspirée par Moscou.

«Il nous a été dit clairement (de Moscou, ndlr): nous sommes prêts a examiner avec vous et l'UE tous les problèmes, mais vous reportez la signature de l'accord, nous discutons, nous mettons d'accord et après vous signez», a déclaré M. Azarov

Les Européens ont cependant d'ores et déjà exprimé leur scepticisme quant à des négociations à trois avec la Russie, soulignant qu'un partenariat avec l'Ukraine ne concernait pas Moscou.

«Un champ de bataille entre Russie et UE»

Selon le quotidien polonais Gazeta Wyborcza, les dirigeants européens prévoient d'adopter au sommet de Vilnius une déclaration qui mettra en garde la Russie contre son ingérence dans les affaires de ses voisins.

«L'Ukraine ne veut pas être un champ de bataille entre la Russie et l'UE», a souligné M. Azarov mardi.

Il a aussi mis en cause l'Union européenne et le Fonds monétaire international, qui selon lui n'ont pas pris la mesure des problèmes économiques de l'Ukraine et ne lui ont pas apporté le soutien nécessaire pour permettre un accord.

Bien que selon lui «rien de précis» n'ait été conclu avec la Russie sur des avantages économiques, un crédit ou encore le prix des livraisons de gaz, des négociations doivent reprendre avec Moscou début décembre sur «le rétablissement de relations commerciales et économiques normales» entre les deux pays.

Lundi, le président ukrainien, Viktor Ianoukovitch, a défendu sa décision dans une adresse à la nation, affirmant qu'elle était motivée par les intérêts des Ukrainiens les moins favorisés.

Il a affirmé qu'il se rendrait au sommet de Vilnius malgré la volte-face de son pays à l'égard de l'UE.

Sa plus farouche opposante, l'ex-Premier ministre emprisonnée Ioulia Timochenko, a annoncé le même jour dans un message lu par son avocat qu'elle entamait une grève de la faim par solidarité avec les manifestants, et appelait les Ukrainiens à se mobiliser.

«Je vous demande, mes chers concitoyens, d'augmenter chaque jour nos forces sur les places du pays. Je vous demande de lever une vague sans précédent de mobilisation, pour que la mafia autoritaire de Ianoukovitch ne puisse empêcher notre retour historique dans notre vraie famille» européenne, a-t-elle écrit.

«J'entame une grève de la faim pour exiger que Ianoukovitch signe l'accord d'association et de zone de libre-échange avec l'UE», a ajouté Mme Timochenko, qui purge une peine de 7 ans de prison mais est hospitalisée sous surveillance depuis avril 2012 à Kharkiv, dans l'est du pays, pour des hernies discales.

L'Union européenne avait posé notamment pour condition à la signature de l'accord d'association la libération de Mme Timochenko, condamnée pour abus de pouvoir après l'élection de M. Ianoukovitch en 2010, et qui affirme être victime d'un règlement de comptes politique.