Les appuis et les coups de chapeau se multiplient à l'endroit de la ministre de la Justice française, Christiane Taubira, victime d'attaques racistes virulentes depuis plusieurs mois.

Une pétition de 100 000 noms a été déposée jeudi dernier. Intitulée «France, ressaisis-toi», elle dénonce les propos racistes dont Christiane Taubira est la cible. Elle compte parmi ses signataires la chanteuse Jane Birkin et l'actrice Josiane Balasko.

Christiane Taubira n'est pas près d'oublier l'année 2013. Depuis plusieurs mois, cette femme originaire de la Guyane, active en politique depuis 20 ans, a été l'objet de propos racistes d'une violence et d'une méchanceté qui dépassent l'entendement. Outre sa couleur, sa défense bec et ongles de la loi en faveur du mariage pour tous l'ont rapidement identifiée comme «cible à abattre» dans les milieux politiques de droite.

On l'a comparée à King Kong, on l'a traitée de guenon, des enfants lui ont offert des bananes lors d'une manifestation. Une députée du Front national a déclaré qu'elle préférait «voir la ministre de la Justice dans les branches» alors qu'une élue de l'UMP, sur sa page Facebook, a détourné une publicité de la marque de cacao Banania avec la photo de la ministre. Et c'est sans compter le magazine Minute, proche de l'extrême droite (et qualifié de «feuille de chou nauséabonde» par le journal Le Monde) qui a titré à la une: «Maligne comme un singe, Taubira retrouve la banane.» Ce magazine est aujourd'hui passible d'une amende de 22 500 euros (32 000 $).

Une protestation tardive

Dans un pays où on n'hésite jamais à descendre dans la rue pour dénoncer les injustices de toutes sortes, on aurait pu s'attendre à une levée de boucliers face à ces propos racistes et haineux. Or, il a fallu du temps avant que des gens se lèvent et crient haut et fort leur dégoût. Un des premiers à le faire fut le premier ministre Jean-Marc Ayrault. Sa déclaration à l'Assemblée nationale il y a quelques semaines a donné lieu à une ovation pour la ministre Taubira qui, jusque-là, se sentait bien seule face à une droite particulièrement agressive. «Les réactions n'ont pas été à la mesure, a-t-elle déclaré au quotidien français Libération. Ce qui m'étonne le plus, c'est qu'il n'y a pas eu de belle et haute voix qui se soit levée pour alerter sur la dérive de la société française.»

Un regret ayant fait vivement réagir l'écrivaine Christine Angot, qui a publié une lettre, toujours dans les pages de Libération, le 6 novembre dernier. «Nous n'avons rien dit, écrivait-elle, parce que nous ne savons pas comment faire, comment dire ce que nous ressentons, nous ne trouvons pas les mots pour expliquer la terreur qui nous saisit à la gorge, la peine radicale, plus que profonde, radicale, une tristesse qui touche le fond, que nous éprouvons, cette histoire de banane nous tue». L'écrivaine Marie Darrieussecq a quant à elle choisi de dédier son prix Médicis à la ministre.

En guise d'explications pour justifier l'absence de riposte, on invoque dans les milieux politiques et intellectuels français le souci de ne pas vouloir faire de publicité au Front national. En d'autres mots, prendre la défense de la ministre Taubira reviendrait à faire la promotion des idées et des positions du FN.

Femme de l'année

Mais le vent tourne et l'hebdomadaire français ELLE vient de nommer la ministre de la Justice Christiane Taubira femme de l'année 2013. La garde des Sceaux, tout sourire, est à la une du numéro actuellement en kiosque en France.

«Parce qu'elle a défendu avec courage et éloquence la loi sur le mariage pour tous, parce que son parcours est celui d'une femme qui, jamais, ne baisse les bras et ne se pose en victime, parce qu'elle est la femme politique de l'année, Christiane Taubira est en couverture de Elle», peut-on lire en préambule de l'entrevue réalisée par deux journalistes du magazine. À la question de ELLE qui lui demande si elle croit que la France est raciste, la ministre répond: «Je ne veux pas globaliser, je n'aime pas les généralités. Il n'y a pas la France raciste et la France pas raciste. Il y a des racistes, c'est incontestable. Et comme une désinhibition de la parole raciste.»