L'opposition ukrainienne pro-européenne manifestait à nouveau lundi contre le rejet d'un accord d'association avec l'UE, qui renvoie selon elle le pays vers la Russie, alors que Bruxelles soulignait que l'offre était toujours valable.

«L'offre de signer un accord d'association et (une entente sur) une zone de libre-échange, sans précédent, est toujours sur la table», ont déclaré dans un communiqué les présidents du Conseil européen, Herman Van Rompuy, et de la Commission, José Manuel Barroso.

Tous deux ont dit «désapprouver fortement la position et les actions de la Russie», accusée d'avoir fait pression sur l'Ukraine.

Même si Kiev a rejeté pour l'heure l'offre des Européens, le président Viktor Ianoukovitch «envisage de se rendre au sommet du Partenariat oriental de l'UE à Vilnius (Lituanie)» jeudi et vendredi, au cours duquel un accord d'association avec l'Ukraine devait initialement être signé, a déclaré le chef de la diplomatie de Kiev, Léonid Kojara.

«L'Ukraine ne renonce pas à l'euro-intégration (...). Nous ne parlons que de la suspension de ce processus», a-t-il souligné, selon l'agence Interfax.

Environ 15 000 personnes ont manifesté dans l'après-midi à Lviv, dans l'ouest de l'Ukraine, et 12 000 personnes dans la ville voisine d'Ivano-Frankivsk.

Environ 2500 personnes manifestaient lundi soir à Kiev, sur la place de l'Indépendance, haut lieu de la Révolution orange, et sur la place de l'Europe, près du siège du gouvernement.

Près de mille manifestants se sont déjà massés dans la matinée devant le siège du gouvernement, au lendemain d'un rassemblement qui a réuni des dizaines de milliers de personnes - la plus grande manifestation en Ukraine depuis la Révolution orange pro-occidentale de 2004.

Des manifestants qui tentaient de pénétrer lundi dans le bâtiment du gouvernement gardé par la police antiémeute ont été repoussés à coups de matraques et de gaz lacrymogènes.

Les autorités ukrainiennes ont affirmé que les gaz lacrymogènes ne provenaient pas de la police, mais de manifestants.

L'opposition a au contraire affirmé que les débordements survenus lors de ces manifestations «pacifiques» avaient été «provoqués» par les forces de l'ordre.

Le dirigeant du parti d'opposition Oudar, le champion du monde de boxe Vitali Klitschko, a rejoint les manifestants près du siège du gouvernement, appelant à maintenir la pression contre le régime du président Ianoukovitch jusqu'au sommet du Partenariat oriental de l'UE.

Manifester tant que l'accord ne sera pas signé

«Nous allons continuer de manifester tant que l'accord (d'association avec l'UE) ne sera pas signé», a déclaré M. Klitschko dans un porte-voix devant les manifestants.

«Nous allons demander l'annulation de la décision du gouvernement et exiger sa démission», a-t-il ajouté.

Le gouvernement ukrainien a décidé brusquement la semaine dernière de renoncer à la signature de cet accord historique entre l'ancienne république soviétique et l'UE. L'opposition a aussitôt accusé le gouvernement d'avoir cédé à la pression de Moscou.

La Russie, destination du quart des exportations ukrainiennes, presse l'Ukraine d'adhérer à l'Union douanière créée par Moscou avec d'autres ex-républiques soviétiques.

Au cours d'une séance houleuse devant le Parlement ukrainien la semaine dernière, le premier ministre ukrainien, Mykola Azarov avait affirmé que la décision du gouvernement était dictée «exclusivement par des raisons économiques» et ne remettait pas en cause l'orientation européenne du pays.

Mais ses déclarations n'ont pas calmé la colère de l'opposition.

Ioulia Timochenko, l'ex-première ministre et adversaire politique du président Ianoukovitch a appelé dimanche à accentuer la pression sur le gouvernement avant le sommet de l'UE. Elle purge une peine de sept ans de prison pour abus de pouvoir, une condamnation qu'elle dénonce comme une vengeance politique.

Un dirigeant de l'opposition ukrainienne, Arseni Iatseniouk, a accusé lundi les autorités d'entraver les visites chez Mme Timochenko en imposant une quarantaine «inventée» dans l'hôpital où elle est soignée pour hernies discales.

«Les autorités ont vraiment besoin d'être mises en quarantaine. Elles sont malades de débilité politique», a affirmé M. Iatseniouk sur Twitter.

Dans une tribune publiée par le Financial Times lundi, l'ancien président ukrainien pro-occidental Viktor Iouchtchenko a estimé qu'en renonçant à signer l'accord avec l'UE, les dirigeants ukrainiens s'étaient engagés dans «un jeu politique dangereux, barbare et malhonnête».

PHOTO GLEB GARANICH, REUTERS

Le dirigeant du parti d'opposition Oudar, le champion du monde de boxe Vitali Klitschko (au centre), à Kiev, le 25 novembre.