La Russie a indiqué samedi pour la première fois que les membres d'équipage étrangers du navire de Greenpeace arraisonné en septembre et tout juste sortis de prison pourraient quitter le pays prochainement, une annonce accueillie avec prudence par l'ONG.

«Dès que le problème de la manière dont ils pourront quitter la Russie aura été réglé, je pense qu'ils quitteront le territoire russe», a déclaré le chef de l'administration présidentielle, Sergueï Ivanov, sans préciser dans quel délai ils pourront partir, selon les agences russes.

«Personne ne les retiendra», a souligné M. Ivanov, en précisant que le problème était lié au fait que les étrangers parmi les 30 membres d'équipage de l'Arctic Sunrise de Greenpeace, libérés sous caution ces derniers jours par la justice russe, n'avaient pas de visa russe.

C'est la première fois depuis le début de cette affaire à la mi-septembre qu'un haut responsable politique russe, proche du président Vladimir Poutine, laisse entendre que les militants étrangers de l'ONG -- issus de 16 pays -- devraient bientôt pouvoir quitter la Russie.

Un juriste de Greenpeace, Anton Beneslavski, a cependant estimé dans une déclaration à la radio Echo de Moscou que les propos de M. Ivanov devaient être accueillis avec prudence compte tenu des difficultés de procédure, soulignant que les membres de l'ONG faisaient l'objet d'une enquête judiciaire.

L'avocat de Greenpeace Mikhaïl Kreindline a de son côté déclaré à l'AFP que «personne ne comprenait vraiment quel était le statut actuel» de ces étrangers libres de leurs mouvements, mais dépourvus de visa russe.

Les déclarations du haut responsable du Kremlin surviennent alors que le Tribunal international du droit de la mer, basé à Hambourg (Allemagne) et saisi par les Pays-Bas, dont l'Arctic Sunrise bat le pavillon, a demandé vendredi à la Russie de laisser les étrangers de Greenpeace quitter son territoire.

Le chef de l'administration présidentielle russe a réaffirmé que Moscou, qui a boycotté le procès de cette juridiction des Nations unies compétente pour régler les litiges maritimes internationaux, ne reconnaissait pas la compétence du tribunal dans ce litige.

Un seul maintenu en détention

Mais l'annonce de M. Ivanov à la fin d'une semaine qui avait vu presque tous les membres de Greenpeace libérés sous caution par un tribunal de Saint-Pétersbourg (nord-ouest) pourrait être interprétée comme un signe de détente à deux mois et demi des Jeux olympiques de Sotchi, dans le sud de la Russie.

L'incarcération des membres de Greenpeace a provoqué de nombreuses critiques en Occident, où des vedettes telles la chanteuse américaine Madonna ont appelé la Russie à les libérer.

L'action de Greenpeace visait à dénoncer les risques de l'exploitation pétrolière dans l'Arctique russe, une zone aux écosystèmes particulièrement fragiles.

Un tribunal de Saint-Pétersbourg (nord-ouest) a ordonné cette semaine la remise en liberté de 29 des 30 membres de l'équipage de Greenpeace arrêtés après une action ciblant une plateforme pétrolière de Gazprom, contre le versement d'une caution de deux millions de roubles chacun (45 000 euros).

Presque tous sont sortis de prison, tandis qu'un seul militant, l'Australien Colin Russell, a vu sa détention provisoire prolongée de trois mois, jusqu'au 24 février 2014.

Les 30 membres de l'équipage ont été inculpés dans un premier temps de piraterie, un crime passible de 15 ans de prison maximum, avant de voir leur chef d'accusation requalifié en hooliganisme, délit qui leur fait encourir jusqu'à sept ans de détention.

Un journaliste vidéo britannique, Kieron Bryan, parmi les 30 membres de Greenpeace remis en liberté, a déclaré dans une interview à la BBC que l'évocation de la piraterie lors d'une réunion de préparation à l'expédition de l'Arctic Sunrise en Russie avait été accueillie par des rires.

Âgé de 29 ans, le journaliste a aussi dit que les 24 heures qui avaient suivi sa remise en liberté avaient été «incroyables» et parmi «les meilleurs moments» de sa vie.