La présidente du parti français Front national Marine Le Pen et le chef de file de l'extrême droite néerlandaise Geert Wilders ont conclu mercredi à La Haye une alliance, selon eux «historique», en vue des élections européennes de mai 2014.

Malgré d'évidentes différences d'opinion sur certains sujets, ils souhaitent unir plusieurs mouvements eurosceptiques en vue de former un groupe au Parlement européen qui sera en mesure de faire entendre sa voix sur la scène continentale après les élections de mai 2014, et ce dans le but de «libérer» leurs pays respectifs de l'Union européenne.

«Aujourd'hui est un jour historique», a déclaré Mme Le Pen lors d'une conférence de presse à La Haye : «nous avons pris la décision, avec d'autres mouvements patriotes, de nous allier dans une dynamique de travail».

Et Geert Wilders, qualifiant l'UE d'«État nazi», de renchérir : «aujourd'hui marque le début de la libération de ce monstre nommé "Bruxelles"». M. Wilders a dit espérer que d'autres partis «aux idées similaires» rejoindront l'initiative après les élections.

«Nous, vieilles nations européennes, obligées de demander la permission à Bruxelles pour toute chose», a dénoncé Mme Le Pen. Il faut retrouver la souveraineté territoriale, la souveraineté monétaire, la souveraineté budgétaire.»

Pour composer un groupe politique au Parlement européen, il faut 25 députés élus, sur un total de 766, dans au moins un quart des États membres de l'UE.

Siéger dans un groupe politique permet de disposer de moyens offerts par le Parlement : collaborateurs, secrétariat, bureaux, traduction, budget pour la communication, mais aussi de temps de parole proportionnel à la taille du groupe. Le FN compte actuellement 3 eurodéputés et le parti de M. Wilders 4, non alignés.

À des journalistes qui leur ont demandé comment ils allaient concilier d'évidentes différences d'opinion sur un certain nombre de sujets, Mme Le Pen a dit : «même dans un mariage, on n'est pas obligé de penser mille pour cent la même chose».

Geert Wilders souhaite l'interdiction du Coran qu'il a déjà comparé à Mein Kampf d'Adolf Hitler. Après leur rencontre à Paris en avril, Marine Le Pen avait dit être «peut-être moins radicale» que Geert Wilders sur l'islam.

Quant à l'antisémitisme dont est régulièrement accusé Jean-Marie Le Pen, père de Marine, fondateur du FN et eurodéputé, Geert Wilders, profondément pro-Israël, a botté en touche. «C'est Marine la chef!», a dit le chef de file du Parti pour la Liberté (PVV).

Une alliance «dangereuse»

Il n'est pourtant pas certain que Mme Le Pen et M. Wilders arriveront à fédérer les eurosceptiques.

Le Parlement européen compte actuellement un groupe europhobe, Europe liberté démocratie (EFD), dirigé par le Britannique Nigel Farage. Avec 32 députés, ce groupe a un poids politique négligeable.

Le groupe envisagé par Mme Le Pen et M. Wilders pourrait inclure, entre autres, le Vlaams Belang belge, la Ligue du Nord italienne, l'Alternative pour l'Allemagne (AfD) et le Parti de la liberté autrichien (FPÖ) ainsi que des partis d'Europe du Nord.

Mais Mme Le Pen et M. Wilders ont exclu de s'associer, par exemple, avec les Hongrois du Jobbik et d'autres députés nationalistes slovaques, roumains et bulgares, tous accusés de dérives racistes.

Quant aux Britanniques de l'UKIP de Nigel Farage, qui forment l'ossature du groupe EFD, ils estiment trop extrêmes certaines positions de Geert Wilders.

« J'ai beaucoup de respect pour Nigel Farrage », a soutenu mercredi M. Wilders : « j'espère qu'il pourra se joindre à notre initiative à l'issue des élections de l'année prochaine ».

À l'extérieur du Parlement néerlandais, une vingtaine de militants « antifascistes » s'étaient rassemblés, brandissant des pancartes avec la photo de Marine Le Pen bardée d'une ligne rouge diagonale à la manière des panneaux d'interdiction ou une banderole « La Haye contre le racisme ».

« Une alliance comme celle-là me semble dangereuse », a assuré à l'AFP Ewout van den Berg, 26 ans, se disant socialiste. Il a toutefois estimé que l'alliance avait peu de chances de réussir, les populistes d'Europe étant selon lui trop divisés. Exemple : le mariage homosexuel, auquel Mme Le Pen est opposée, au contraire de Geert Wilders, qui utilise l'argument selon lequel les musulmans sont contre l'homosexualité dans sa lutte contre l'islam.

Le PVV avait enregistré un revers aux élections législatives de septembre 2012, mais il demeure bien placé dans les sondages. Le FN est en tête des intentions de vote en France pour les élections européennes avec 24 %, selon un récent sondage.