L'Ukraine s'est éloignée mercredi d'un accord d'association avec l'Union européenne en ne prenant aucune décision sur le sort de l'opposante emprisonnée Ioulia Timochenko, dont la libération est réclamée par les capitales européennes avant la signature d'un accord d'association.

Cette journée de mercredi était considérée comme cruciale, et le dernier délai, les émissaires européens - l'ex-président polonais Aleksander Kwasniewski et l'ex-président du Parlement européen Pat Cox - devant présenter jeudi leur rapport définitif aux Européens avant le sommet du partenariat oriental de l'UE à Vilnius les 28-29 novembre, où était prévue la signature de l'accord d'association.

Mais le Parlement ukrainien a refermé mercredi sans avoir abouti une session extraordinaire convoquée pour décider du sort de Mme Timochenko, et à laquelle assistaient MM. Kox et Kwasniewski.

Il s'agissait de voter une loi permettant à l'ex-première ministre, qui souffre de hernies discales, de se rendre à l'étranger pour des soins médicaux.

Aucun projet de loi de compromis n'a finalement été présenté par un groupe de travail composé de députés pro-pouvoir et d'opposition.

«Honte», crie l'opposition

«Je clos la séance extraordinaire du Parlement. La prochaine séance aura lieu le 19 novembre», a déclaré Volodymyr Rybak.

«Honte!», ont crié les députés de l'opposition.

Arseni Iatseniouk, allié de Mme Timochenko, a accusé le président Viktor Ianoukovitch de saper la signature de l'accord d'association avec l'UE.

«Le parti des Régions (du président) a refusé d'examiner un projet de loi sur le départ de Timochenko à l'étranger, l'administration présidentielle m'a répondu par écrit que Ianoukovitch n'avait pas l'intention de gracier Timochenko. C'est la réponse à la question de savoir s'il est prêt à signer l'accord», a-t-il déclaré.

«Nous voulons dire à Ianoukovitch : les voyages à Moscou ne servent à rien. On ne peut pas marchander les intérêts du pays, le pays ne vous le pardonnera pas», a-t-il poursuivi.

Il faisait référence à un mystérieux voyage de M. Ianoukovitch samedi dernier en Russie, pays qui voit d'un très mauvais oeil la perspective d'un accord d'association entre Kiev et l'UE.

Les députés du parti des Régions, pro-pouvoir, et des entrepreneurs avaient déjà douché les espoirs des pro-Européens en demandant mardi soir au président Ianoukovitch de reporter d'un an la signature de l'accord avec l'UE pour mieux préparer l'industrie ukrainienne aux exigences européennes.

Le président a demandé au gouvernement d'examiner «immédiatement» ces propositions des milieux économiques.

«Les entrepreneurs préparent un alibi pour le président au cas où la signature échouerait», écrivait mercredi le quotidien Kommersant.

Les relations avec la Russie

«La question numéro un pour l'économie nationale est la normalisation des relations avec la Russie», a résumé le premier ministre, Mykola Azarov, en ouvrant une réunion du gouvernement mercredi.

La Russie, qui pèse depuis des années de tout son poids pour attirer l'Ukraine dans son projet d'union économique et douanière de pays de l'ex-URSS, a multiplié les mises en garde à l'adresse de Kiev.

Selon plusieurs experts ukrainiens, M. Ianoukovitch préfère renoncer à l'accord d'association plutôt que de libérer Mme Timochenko, son ex-rivale à la présidentielle de 2010, qui purge une peine de sept ans de prison pour abus de pouvoir.

Le cas de Timochenko, considéré en Europe comme un exemple de justice sélective, a entraîné une grave crise dans les relations entre l'Ukraine et l'Union européenne.

En visite à Kiev en octobre, le ministre allemand des Affaires étrangères Guido Westerwelle, dont le pays est prêt à accueillir Mme Timochenko pour des soins médicaux, avait averti Kiev que la «fenêtre d'opportunité» pour un rapprochement avec l'UE pourrait se renfermer.

Mme Timochenko, en détention depuis l'été 2011 et hospitalisée l'année suivante, s'est adressée mardi aux Européens dans une lettre transmise à la presse par sa fille. Elle a appelé les leaders européens et les opposants ukrainiens à tout faire pour que l'accord d'association soit signé «quelles que soient les circonstances».

«On ne peut pas admettre que des accords en coulisses et les phobies personnelles de Ianoukovitch mettent une croix sur les aspirations européennes de l'Ukraine», a-t-elle écrit dans cette lettre.