La justice espagnole a décidé mardi de libérer la militante de l'ETA Ines Del Rio Prada, condamnée à 3828 ans de prison, à la suite d'une décision de la Cour européenne des droits de l'Homme qui devrait contraindre l'Espagne à libérer plusieurs dizaines d'autres prisonniers.

Le tribunal de l'Audience nationale à Madrid a ordonné la mise en liberté de la militante, âgée de 55 ans, arrêtée en 1987 et condamnée pour 24 assassinats lors de plusieurs attentats commis par le groupe armé séparatiste basque.

Détenue dans une prison de La Corogne, en Galice, dans le nord-ouest de l'Espagne, Ines Del Rio doit être libérée dans la journée de mardi.

Sa détention avait été prolongée en vertu de la «doctrine Parot», un système de remise de peine défavorable aux détenus entré en vigueur en 2006.

La décision de la cour de Strasbourg constitue un désaveu pour le gouvernement espagnol, très ferme dans sa politique pénitentiaire envers les détenus de l'ETA: l'Espagne devrait en effet être contrainte de remettre en liberté des dizaines d'autres détenus, parmi lesquels 54 militants de l'organisation.

Le jugement a en revanche été salué par la gauche indépendantiste du Pays basque, qui, tout comme le gouvernement régional, nationaliste conservateur, a appelé Madrid à infléchir sa politique envers les détenus du groupe armé, au nombre d'environ 600 dispersés dans des prisons espagnoles et françaises.

Cette question des prisonniers est justement au centre des revendications de l'ETA.

Rendu responsable de la mort de 829 personnes en 40 ans d'attentats pour l'indépendance du Pays basque et de la Navarre, le groupe armé a annoncé en octobre 2011 qu'il renonçait définitivement à la violence, mais refuse toujours de se dissoudre, réclamant une négociation notamment sur le sort de ses détenus, fermement rejetée par Madrid.

Ines Del Rio avait été condamnée entre 1988 et 2000 à 3828 années de prison, notamment pour avoir participé à l'un des attentats les plus sanglants de l'histoire du groupe armé, dans lequel 12 gardes civils avaient été tués le 14 juillet 1986 sur la place de la République Dominicaine à Madrid.

Arrêtée le 6 juillet 1987, elle aurait dû, en vertu de la «doctrine Parot», être libérée en 2017, soit après avoir purgé 30 ans de prison, la peine maximale prévue en Espagne au moment de sa condamnation.

La justice espagnole, suivant le jugement prononcé à Strasbourg, a estimé que la militante devait «être remise en liberté dans les plus brefs délais, étant privée de liberté de manière irrégulière depuis le 3 juillet 2008», date à laquelle elle aurait dû être libérée selon l'ancien calcul de remises de peine.

Selon la «doctrine Parot», les remises de peine doivent s'appliquer sur chacune des peines prononcées et non plus sur la durée maximale de prison effective de 30 ans, ce qui allonge de fait le temps passé derrière les barreaux en cas de condamnations multiples.

Le gouvernement espagnol, «regrettant» la décision de la justice européenne, a souligné lundi qu'il appartiendrait maintenant aux tribunaux de se prononcer au cas par cas sur les recours que s'apprêtent à déposer les militants concernés.

Née dans la localité de Tafalla, en Navarre, Inez Del Rio, connue sous les surnoms de «Nieves» ou «La Pequeña» (La Petite), avait rejoint au milieu des années 1980 le commando Madrid de l'ETA, l'un des plus meurtriers de l'organisation.

Outre l'attentat à la voiture piégée de juillet 1986 à Madrid, la militante a participé à l'assassinat par balles de trois militaires en juin 1986, avant de s'enfuir en France, échappant ainsi à la police lors du démantèlement du commando Madrid en janvier 1987.

De retour en Espagne, elle a été arrêtée en juillet 1987 alors qu'elle conduisait un véhicule chargé de 35 kilos d'explosifs dans le but de lancer une série d'attentats dans le sud de l'Espagne.