Manuel Valls apparaît plutôt renforcé dans l'opinion, selon des politologues, après avoir été malmené pendant plusieurs jours dans l'affaire Leonarda, même si les attaques à gauche contre le ministre de l'Intérieur risquent de laisser des traces.

Le locataire de la place Beauvau «a fait preuve d'une ligne de fermeté», aux yeux de l'opinion publique, «c'est sûrement plutôt bon pour lui», estime Roland Cayrol, directeur de recherche associé au CEVIPOF (Centre de recherches de politiques de Sciences po).

Cette ligne, «l'application ferme du droit», Manuel Valls la réaffirme dans le Journal du dimanche au lendemain d'un rapport d'enquête administrative qui valide l'expulsion controversée de la collégienne et de sa famille au Kosovo tout en critiquant un «manque de discernement» des forces de l'ordre.

Alors que les conditions d'interpellation de Leonarda Dibrani, en pleine sortie scolaire, avaient mis le feu aux poudres pendant quatre jours et fait descendre des milliers de lycéens dans la rue, le ministre juge la mobilisation de la jeunesse «légitime», mais fait valoir que «l'émotion ne peut pas être la seule boussole d'une politique».

«On est dans une période où l'opinion est tout à fait favorable à l'ordre républicain, la discipline», souligne Roland Cayrol.

Après la publication du rapport de l'Inspection générale de l'administration (IGA), la première prise de parole publique est venue samedi de François Hollande, lors d'une brève allocution.

Il ne pouvait en être autrement, estime le politologue Stéphane Rozès, président du cabinet de conseil Cap, pour qui seuls le président ou le premier ministre pouvaient intervenir. Selon lui, dans la mesure où les services du ministère de l'Intérieur étaient mis en cause il fallait que l'intervention soit couverte d'une «autorité hors de la place Beauvau».

«Il morfle»

Manuel Valls a semblé être «dans une cohérence totale», dès lors qu'il a été établi que le travail des policiers a respecté le cadre légal, a-t-il ajouté.

Selon un sondage BVA réalisé au plus fort de la tempête politique, jeudi et vendredi, les Français semblaient sur la même ligne dure que le ministre le plus populaire du gouvernement: deux tiers des sondés opposés au retour de la famille de Leonarda et trois quarts approuvant la position de Manuel Valls.

Déjà attaqué dans son propre camp pour ses propos niant la volonté d'intégration d'une majorité de Roms en septembre, le ministre de l'Intérieur a dû faire face cette semaine à l'une des plus fortes frondes le visant depuis l'élection de François Hollande en 2012. L'interpellation de l'adolescente Rom kosovare a été critiquée au plus au niveau du Parti socialiste, mais aussi par plusieurs ministres de poids. Quant aux lycéens, ils ont manifesté jeudi et vendredi aux cris de «Valls démission».

«Il morfle», «rien ne lui est épargné», a reconnu un membre de son entourage au cours d'un déplacement du ministre aux Antilles, écourté face à l'ampleur prise par l'affaire Leonarda.

De retour à Paris, Manuel Valls contre-attaque dans le JDD: «Les critiques ne m'atteignent pas et je ne me sens pas du tout isolé». Il éreinte au passage les attaques quand elles viennent de «notre propre camp» - «cela nous affaiblit collectivement» - et martèle une fois de plus qu'il ne se laissera pas «détourner» de son «cap».

Une partie de la gauche «peine à comprendre» ce que veut dire «l'éthique de responsabilité», la différence entre l'exercice du pouvoir et le «fait de faire feu de tout bois quand on est dans l'opposition», observe Stéphane Rozès.

Et ces divisions au sein de la majorité risquent de perdurer. Alors que Manuel Valls, dans le sillage du chef de l'État, assure que la famille de Leonarda «ne reviendra pas», le premier secrétaire du PS Harlem Désir a déjà contesté cette position, critiquée de toutes parts, en demandant que les enfants Dibrani puissent «finir leurs études en France accompagnés de leur mère».