Le Conseil Constitutionnel a refusé de reconnaître une «clause de conscience» aux maires opposés aux mariages homosexuels, dans une décision rendue vendredi matin, provoquant la colère de ces élus et des militants anti-mariage gai.

Le Conseil avait été saisi par des maires opposés au mariage homosexuel, pour savoir si l'absence dans la loi de disposition garantissant la liberté de conscience des officiers d'état civil hostiles au mariage gai était conforme ou non à la Constitution.

La loi autorisant le mariage et l'adoption pour les couples du même sexe en France est entrée en vigueur le 18 mai, à l'issue d'un débat parlementaire acharné et de manifestations massives d'opposants dans tout le pays.

Dans une décision de cinq pages, le Conseil constitutionnel a jugé que «les dispositions contestées» par ces maires, pour appuyer leur demande de reconnaissance d'une «clause de conscience» leur permettant de ne pas célébrer ces mariages controversés, étaient bien «conformes à la Constitution».

Il note qu'en ne prévoyant pas de clause de conscience au moment du vote de la loi, «le législateur a entendu assurer l'application de la loi par ses agents et garantir ainsi le bon fonctionnement et la neutralité du service public de l'état civil».

Le parti socialiste s'est félicité de la décision des Sages, jugeant que le mariage pour tous allait maintenant s'appliquer «sans résistance».

Les maires hostiles à la célébration du mariage homosexuel, dont le collectif revendique le soutien de 20 000 élus, ont eux annoncé qu'ils se tourneraient vers la Cour européenne des droits de l'Homme (CEDH) pour tenter d'obtenir satisfaction.

«Promesse faite aux maires»

«C'est une très grande déception», a réagi auprès de la presse Ludovine de la Rochère, la présidente de la Manif pour tous, fer de lance des manifestations géantes contre le mariage homosexuel avant la promulgation de la loi.

«Nous sommes très inquiets, c'est une décision liberticide. La liberté des maires est piétinée», a-t-elle jugé, promettant «des appels à manifester dans les semaines qui viennent».

Le collectif des Maires pour l'enfance, à l'origine de la procédure, a dénoncé dans un communiqué «une décision incompréhensible qui marque un recul des droits de l'Homme» et demandé un rendez-vous au président socialiste François Hollande.

M. Hollande avait lui-même reconnu le bien-fondé de l'argument de «la conscience» des élus lors du congrès des maires de France en novembre 2012, avant de faire marche arrière devant le tollé créé par ses propos chez les défenseurs du mariage homosexuel.

«Nous ne pouvons pas balayer d'un revers de la main cette promesse faite aux maires», avait plaidé le 8 octobre l'avocat du collectif de maires, devant les neuf membres du Conseil constitutionnel.

Ce que demandent les requérants, avait-il dit, c'est «simplement que lorsque les maires et maires adjoints d'une commune refusent de célébrer un mariage entre personnes de même sexe», ils puissent être remplacés «par un représentant de l'État».

Selon un récent sondage de l'institut Ifop, 54 % des Français sont favorables à une clause de conscience pour les maires.

Depuis la promulgation de la loi, des édiles ont déjà refusé de célébrer des unions entre personnes de même sexe, mais, après des bras de fer et des plaintes pour discrimination, les couples ont finalement été mariés par des adjoints ou d'autres membres du conseil municipal.

Dans une circulaire du 13 juin, le ministère de l'Intérieur rappelle aux maires les risques encourus s'ils refusent de célébrer un mariage homosexuel ou de trouver un adjoint pour le faire à leur place: jusqu'à cinq ans d'emprisonnement et 75 000 euros (plus de 105 000 $) d'amende.

Le premier mariage homosexuel en France a été célébré à Montpellier (sud) le 29 mai.

Fin août, près de 600 mariages entre personnes de même sexe avaient été célébrés dans les 50 plus grandes villes de France, soit environ 1 % du total des mariages pendant cette période, selon un bilan établi par la radio France Inter.