Des milliers de lycéens se sont mobilisés jeudi en France pour le retour d'élèves étrangers expulsés en raison d'une situation irrégulière, dossier explosif pour le gouvernement socialiste, divisé sur l'action du ministre de l'Intérieur Manuel Valls.

La révélation de l'arrestation le 9 octobre lors d'une sortie scolaire et l'expulsion le jour même au Kosovo avec sa famille de Leonarda Dibrani, 15 ans, scolarisée depuis 4 ans dans l'est de la France et parlant français, a fait voler en éclats la cohésion du camp socialiste du président François Hollande.

Et jeudi les lycéens sont entrés dans le débat en bloquant les entrées d'une vingtaine de la centaine de lycées publics parisiens. Quelque 2500 lycéens, selon la police, 7000 selon leur syndicat FIDL, ont défilé dans Paris pour réclamer le retour de la jeune Kosovare rom et de Khatchik Kachatryan, un Arménien de 19 ans, scolarisé dans la capitale et expulsé samedi.

L'un des manifestants a été interpellé pour jets de projectiles et la police a fait usage de bombes lacrymogènes pour contrer les plus agités. D'autres actions sont prévues vendredi, la veille de 15 jours de vacances scolaires.

«Le mot d'ordre, c'est de se mobiliser pour le retour des lycéens expulsés», a expliqué à l'AFP Steven Nassiri, porte-parole du FIDL. «C'est inadmissible que, sous un gouvernement de gauche, on doive montrer ses papiers pour entrer au lycée. Tout le monde a le droit à une éducation».

Des manifestations ont été signalées également jeudi à Mende (centre) et Avignon (sud).

La politique migratoire «doit être à la fois ferme et respectueuse du droit et des personnes», a répété jeudi sur Radio Caraïbes International le ministre de l'Intérieur Manuel Valls, en déplacement dans les Antilles.

Une enquête administrative est en cours sur les circonstances du renvoi vers le Kosovo de Leonarda et le premier ministre Jean-Marc Ayrault a promis qu'elle pourrait rentrer en France si une «faute» des autorités était avérée.

«Majorité gouvernementale à feu et à sang», «appel à la démission» du ministre de l'Intérieur, gestion «scandaleuse» et «inhumaine» : la politique du gouvernement et notamment de Manuel Valls, personnalité politique préférée des Français, mais qui cristallise toutes les crispations, était la cible des critiques de la presse, l'opposition à gauche comme à droite, et même de dirigeants socialistes. «Il faut arrêter ces rafles», s'est emportée une sénatrice écologiste, Esther Benbassa.

Quelque 20 000 Roms en France

Manuel Valls, né à Barcelone et lui-même devenu français à 20 ans, prête d'autant plus le flanc aux critiques qu'il avait choqué en septembre une partie de la gauche en mettant en cause la capacité et la volonté d'intégration des 20 000 Roms vivant en France. Il avait alors franchi, selon ses adversaires, une «ligne rouge» de la gauche française qui prend pour dogme la possibilité pour chacun de devenir français quelle que soit son origine ou sa religion.

La polémique concentre «tous les malaises accumulés depuis le début du quinquennat sur le terrain des valeurs de la gauche», selon le quotidien conservateur Le Figaro. Et le quotidien de citer les «critiques sur l'absence de cap, interrogations sur la lisibilité de l'action gouvernementale, manque de pédagogie sur les hausses d'impôts, inquiétudes face à la montée du Front national» (extrême droite).

Installée avec sa famille à Mitrovica, au Kosovo, Leonarda Dibrani multiplie ces jours-ci les interviews pour supplier de revenir en France afin de reprendre l'école.

Jeudi, son père, Resat Dibrani, 47 ans, a affirmé à l'AFP avoir menti aux autorités françaises sur les origines kosovares de sa famille, dans l'espoir d'augmenter ses chances d'obtenir l'asile en France.

Ce Rom né au Kosovo a expliqué qu'il était en fait le seul de sa famille né dans cette province, qui a proclamé son indépendance de la Serbie en 2008, mais que son épouse, Xhemaili, 41 ans, est née en Italie, ainsi que cinq de leurs six enfants, dont Leonarda. Seule la dernière, Medina, âgée de 17 mois, serait née en France.

Plus tôt dans la journée, des informations avaient filtré sur lui, révélant qu'il avait eu des démêlés avec la justice pour des violences sur ses filles et de petits larcins. Selon une source proche du dossier, l'étudiant Khatchik est également connu de la police pour des délits non précisés.

Selon l'association RESF (Réseau éducation sans frontière), cet étudiant est le cinquième jeune majeur scolarisé à être expulsé depuis l'arrivée de la gauche au pouvoir en 2012. Pour les familles avec enfants scolarisés, le réseau a comptabilisé dix familles expulsées soit une vingtaine d'enfants.