Les partisans de la laïcité et de la liberté religieuse se sont de nouveau affrontés jeudi à la cour d'appel de Paris qui a rejugé le licenciement, annulée en cassation, d'une salariée voilée d'une garderie (crèche) en région parisienne.

La cour d'appel rendra sa décision le 27 novembre.

Le procureur général François Falletti a demandé aux magistrats de «résister» à la Cour de cassation, plus haute juridiction judiciaire française, en préconisant la confirmation du licenciement de la salariée de la crèche «Baby Loup» à Chanteloup-les-Vignes.

Il a estimé que si «la liberté religieuse est un principe fondamental», «les missions d'éveil et du développement de l'enfant (...) sont de nature à justifier des restrictions».

En France, le personnel d'encadrement doit observer une stricte neutralité, également vestimentaire, dans les établissements de l'éducation publique.

Dans un arrêt vivement attaqué à gauche comme à droite, la Cour de cassation avait estimé le 19 mars que «s'agissant d'une crèche privée», ce licenciement constituait «une discrimination en raison des convictions religieuses» de l'ex-salariée.

Pour le procureur général, l'atteinte à cette liberté, matérialisée par le règlement intérieur de la garderie, est dans cette affaire contrebalancée par «un impératif d'intérêt général» et que dès lors, elle est «proportionnée».

À la suite de l'arrêt «Baby-Loup», de nombreuses voix se sont élevées pour réclamer dans les textes législatifs l'extension de la neutralité dans le secteur public à des sphères privées, notamment dans la petite enfance.

Mais l'hypothèse d'une loi sur la laïcité a été écartée par l'Observatoire de la laïcité, installé par le président François Hollande.

Depuis 2004, une loi interdit, par ailleurs, le port de signes religieux ostentatoires dans les établissements d'enseignement secondaire. Le niqab, ou voile intégral, est interdit dans l'espace public depuis 2011, mais le foulard est autorisé.

«Vous avez aujourd'hui un débat de société crucial à juger», a lancé aux magistrats Me Richard Malka, avocat de la crèche, opposant «une vision universaliste, fille des Lumières» à «une vision différentialiste, communautariste» de la société. «On teste notre République», a-t-il estimé.

Mais pour l'avocat, Michel Henry, de Fatima Afif, l'ex-directrice adjointe licenciée de la crèche, venue jeudi à l'audience la tête recouverte d'un long foulard couleur taupe, «la laïcité ce n'est pas faire du terrorisme à l'égard des convictions politiques et religieuses des citoyens».

Me Henry a dénoncé «le processus de radicalisation» de la directrice de la crèche, Natalia Baleato, au nom de la neutralité religieuse.

«Fatima Afif n'a jamais voulu être un emblème ou un porte-parole d'une cause», a-t-il plaidé.

En 2008, Mme Afif, de retour d'un congé maternité suivi d'un congé parental, avait annoncé son intention de garder son foulard islamique au travail. Ce qu'avait refusé la directrice, invoquant la «neutralité philosophique, politique et confessionnelle» inscrite au règlement intérieur.

L'ex-employée avait ensuite été déboutée à deux reprises par la justice.

Fondée en 1991 dans un quartier pauvre et multiculturel, la crèche accueille 24 heures sur 24, 7 jours sur 7 des enfants de familles monoparentales aux horaires décalés, et souvent défavorisés.