La Méditerranée s'est à nouveau transformée en cimetière après un naufrage au sud de Malte qui a coûté la vie vendredi à des dizaines de migrants, en majorité syriens, huit jours après la mort près de Lampedusa de 359 personnes fuyant la Corne de l'Afrique.

Dans ce bateau, qui a chaviré vendredi après-midi, se trouvaient des centaines de réfugiés dont la destination finale était la petite île italienne de Lampedusa.

Selon les autorités maltaises, le bilan officiel était samedi soir de 33 corps récupérés, en majorité des femmes et des enfants, mais il pourrait encore évoluer, le Haut commissariat de l'ONU pour les réfugiés (HCR), citant des migrants, ayant précisé que «le bateau serait parti de Zwara (Lybie), avec à son bord entre 300 et 400 personnes, pour la plupart de nationalité syrienne et palestinienne».

Le premier ministre maltais, Joseph Muscat, a déploré que la «Méditerranée soit en train de devenir un cimetière».

Dans l'après-midi, un porte-parole du ministère maltais de l'Intérieur a admis qu'étant donné qu'il était désormais «peu probable de retrouver quelqu'un de vivant», les opérations de secours se concentraient sur la recherche des corps, qui se poursuivaient encore samedi soir à la lumière des phares.

Les secours sont parvenus toutefois à sauver près de 200 personnes.

Parmi les 146 survivants interrogés par la police maltaise à leur arrivée, 117 ont indiqué être syriens, 27 de Palestine, un du Liban et un autre de Tunisie, a ajouté le porte-parole.

L'un d'eux, Achour, a raconté à un correspondant de l'AFP sa douleur après avoir perdu dans le naufrage sa femme, enceinte de jumeaux, et leur fils.

«J'ai perdu presque tout ce que j'avais. Ce qu'il me reste, c'est ma fille dont je ne veux plus jamais qu'elle quitte mes bras», a confié le Syrien, qui voulait que ses enfants «aient un avenir», la «situation en Syrie (étant) vraiment horrible».

Une famille, dont les enfants se trouvent parmi les 56 survivants secourus par un navire de la marine militaire italienne en route vers Porto Empedocle (Sicile), et leurs parents à Malte, devrait être bientôt réunie, a précisé le porte-parole.

Interrogé par le journal Times of Malta, le capitaine du bateau ayant secouru les réfugiés a confié qu'il faisait ce «travail depuis environ 10 ans et que cette opération (avait été) la plus difficile de toute sa carrière».

«Il y avait des centaines de personnes à la mer, certaines flottant sans vie», a raconté le major Russel Caruana à sa descente à terre.

Il a ajouté que trois réfugiés, trop faibles pour supporter les dix heures de voyage en mer jusqu'à La Valette, avaient été héliportés vers Lampedusa.

L'accident s'est produit au centre d'un triangle entre Malte, la Libye et Lampedusa, à 60 milles (environ 110 km) des côtes maltaises.

Selon la marine maltaise, le bateau a été déstabilisé et a chaviré lorsque les immigrants se sont agités pour attirer l'attention d'un avion militaire le survolant, en se déplaçant tous ensemble du même côté.

Des navires de secours et des hélicoptères ont été rapidement dépêchés sur place, et plusieurs navires commerciaux ont été déroutés sur les lieux de l'accident, tandis que les autorités italiennes envoyaient deux navires militaires et des hélicoptères qui ont pu lancer des canots de sauvetage pneumatiques.

Le secrétaire général de l'ONU, Ban Ki-moon, a souhaité samedi soir «des mesures qui traitent les causes profondes (de ces naufrages) et qui soient centrées sur la vulnérabilité et le respect des droits de l'homme des migrants».

De son côté, le chef du gouvernement italien Enrico Letta a annoncé samedi soir l'envoi lundi «d'une mission humanitaire navale et aérienne italienne qui devra faire de la Méditerranée la mer la plus sûre possible».

À la tête du HCR, Antonio Guterres a affirmé être «choqué» de voir que «des Syriens, après avoir échappé aux bombes et aux balles, puissent périr en mer alors qu'ils auraient pu demander l'asile» en Europe.

À Malte, le clergé de l'île, très catholique, a appelé à la mobilisation de tous les évêques européens, «pour demander aux gouvernements davantage de solidarité et d'action politique à l'avenir afin d'éviter que de tels accidents ne se reproduisent».

Ce drame survient après le naufrage, le 3 octobre, d'un bateau de pêche au large de Lampedusa. Seuls 155 des quelque 500 migrants à bord, en majorité érythréens, ont survécu. Samedi, vingt nouveaux corps ont été remontés à la surface, portant le bilan à 359 morts et faisant de ce naufrage la pire tragédie de l'immigration en Italie depuis plus de dix ans.

Selon les ONG, près de 20 000 migrants et réfugiés ont péri en tentant de traverser la Méditerranée ces 20 dernières années.

Le président malien prône un sommet sur l'émigration

Les naufrages meurtriers de migrants au large de Lampedusa «sont d'une horreur particulière et inadmissible», a estimé le président malien Ibrahim Boubacar Keïta, en prônant la tenue d'un sommet sur l'émigration «pour conjurer de nouvelles tragédies».

«Si les événements récents au large de Lampedusa sont d'une horreur particulière et inadmissible, c'est - chaque année - un millier de jeunes Africains, dans la force de l'âge, qui terminent leur rêve d'eldorado dans la Méditerranée, dans la mer Rouge ou dans le Sahara», a affirmé M. Keïta dans une déclaration transmise samedi par la présidence malienne à l'AFP à Dakar.

Le 3 octobre, un bateau de migrants majoritairement originaires d'Érythrée a fait naufrage au large de l'île italienne de Lampedusa. Le bilan provisoire est de 359 morts, selon les médias italiens samedi. Il y a eu 155 rescapés.

Vendredi après-midi, un autre bateau de migrants a fait naufrage au sud de Malte et de Lampedusa avec à son bord environ 230 réfugiés. Samedi, 143 rescapés sont arrivés à La Valette, selon un correspondant de l'AFP.

Selon le président malien, «la tragédie» des naufrages de migrants «a provoqué chez toutes les bonnes consciences la même indignation».

«Je voudrais en appeler à un sommet international sur l'émigration, pour un dialogue inclusif entre les pays de départ et les pays d'accueil, et pour que les responsabilités désormais assumées permettent de conjurer de nouvelles tragédies liées à l'émigration. Le Mali en serait avec toutes les bonnes volontés du monde, y compris et en tête le Souverain pontife (le pape François, ndlr), l'Union Africaine, les pays de la Méditerranée et l'Europe», a-t-il déclaré.

«Le temps est venu de la réflexion et de l'action profonde, pour résoudre définitivement l'équation de l'émigration, en passe de devenir une des plus grandes crises de notre civilisation», réflexion pour laquelle les dirigeants africains sont «particulièrement interpellés», a-t-il ajouté.

Pour ce faire, a-t-il estimé, les ressources de l'Afrique devraient être utilisées «à bon escient», la corruption devrait être vaincue et les jeunes mis au travail notamment.

«Toutefois, l'Afrique, seule, ne peut s'en sortir. Elle a besoin de solidarité. Pas de solidarité apparente, concédée par acquit de conscience. Mais de solidarité substantielle, voire impérative, à la dimension des défis que l'Afrique doit surmonter pour ne plus être le problème des autres mais leur solution», a précisé M. Keïta, en visite officielle samedi en Guinée équatoriale d'après son entourage.

Le président malien assistait aux festivités marquant le 45e anniversaire de l'indépendance de cette ex-colonie espagnole d'Afrique centrale.