Quatre députés d'Aube dorée ont été présentés mardi à un juge d'instruction à Athènes qui devait les inculper pour appartenance à une «organisation criminelle», suite à un vaste coup de filet de la police grecque contre le parti néonazi.

Parmi les députés conduits vers 12 h 30 GMT (8 h 30 à Montréal) devant le Palais de justice figurent le porte-parole du parti Ilias Kasidiaris, qui serait responsable de l'entraînement paramilitaire des militants, et Yiannis Lagos, député de la seconde circonscription du Pirée, le grand port près d'Athènes.

Selon un rapport des services secrets mentionné par le quotidien grec Ta Nea, Yiannis Lagos est également soupçonné de proxénétisme et d'extorsion de fonds.

En fin de matinée, deux membres présumés du parti ont été inculpés à l'issue de leur déposition pour «constitution et appartenance à une organisation criminelle». Ils ont été mis en liberté conditionnelle avec interdiction de quitter le pays, selon une source judiciaire.

Durant les dépositions, une centaine de militants d'Aube dorée étaient rassemblés devant le Palais de justice, scandant «Vous êtes des héros, Vous êtes des Grecs», et s'en prenant à la presse et à la police, qualifiées de «Corbeaux, traîtres», selon l'AFP sur place.

Aucune indication n'a été donnée dans l'après-midi quant à l'heure à laquelle seraient annoncées les inculpations attendues.

Après des années d'inertie vis-à-vis des violences racistes perpétrées par ce parti, les autorités judiciaires et la police ont pour la première fois frappé un grand coup contre Aube dorée (Chryssi Avghi), le week-end dernier, après l'assassinat le 18 septembre dans une banlieue proche d'Athènes d'un musicien antifasciste par un camionneur, membre du parti.

Au total, 22 personnes ont été arrêtées, dont six députés, et parmi eux le fondateur et dirigeant du parti Nikos Michaloliakos et son adjoint Christos Pappas, ainsi que trois policiers.

M. Michaloliakos, 56 ans, doit comparaître mercredi devant le juge d'instruction et M. Pappas jeudi.

Dans la maison de Christos Pappas à Ioannina, dans le nord-ouest du pays, la police a découvert un pistolet Luger 9 mm, un revolver Colt Special 38 mm, deux casques, l'un portant le logo SS, l'autre un svastika, et des drapeaux nazis.

«La justice doit passer»

Un rapport du vice-procureur de la Cour suprême sur cette affaire impute à Aube dorée deux homicides volontaires, trois tentatives d'homicide, deux vols à main armée et des opérations de «tabassages» d'immigrés.

Aube dorée est entrée pour la première fois au Parlement lors des dernières élections de juin 2012 en obtenant 18 sièges sur 300, profitant de la forte hausse du chômage, de la pauvreté et du discrédit de la classe politique traditionnelle, dans une Grèce en pleine crise.

Un tiers de ces 18 députés risquent donc d'être placés en détention provisoire à l'issue de leur probable inculpation, ce qui pose la question de la survie du parti.

La participation à une «organisation criminelle» est passible d'au moins dix ans de prison, selon une source judiciaire, et jusqu'à vingt ans pour la qualification de meurtre.

«Aube dorée ne va pas disparaître du jour au lendemain. Elle a des militants, une mécanique, de l'argent», estime Dimitris Psarras, auteur du Livre noir de l'Aube dorée, interrogé par l'AFP.

Le casse-tête n'est pas donc terminé pour le gouvernement de coalition droite-socialistes du premier ministre conservateur Antonis Samaras. Tant qu'ils ne sont pas condamnés définitivement, les députés conservent leur mandat ainsi que leurs droits civils et politiques.

Lundi, un projet de loi a été déposé au Parlement, visant à suspendre le financement des partis dont les responsables sont poursuivis pour «constitution et appartenance à une organisation criminelle».

La Constitution grecque ne prévoit pas la possibilité d'interdire un parti.

«On n'avait jamais imaginé qu'une organisation criminelle pourrait être représentée au Parlement. Mais il y a des lacunes du droit qu'on peut combler dans le cadre législatif actuel», a assuré mardi le porte-parole du gouvernement Simos Kédikoglou à la radio Skaï.

«La justice doit entièrement accomplir son travail», a-t-il ajouté.