Souvent décrié comme un dinosaure ou une chambre à palabres, le Sénat irlandais pourrait faire les frais de la cure d'austérité mise en oeuvre dans le pays, lors d'un référendum proposant son abolition prévu le 4 octobre.

La suppression de la Chambre haute a beau être défendue par le gouvernement de coalition et une partie de l'opposition, l'issue de la consultation populaire s'annonce toutefois moins écrasante que prévu initialement.

À en croire les récents sondages, 50 % des électeurs souhaitent cette disparition, mais beaucoup sont encore indécis.

Ces hésitations peuvent paraître surprenantes dans un pays qui a une piètre image de sa classe politique et du train de vie de l'État.

Notamment depuis que le pays, en crise, a été contraint d'avoir recours à un plan de sauvetage de l'Union européenne et du FMI en 2010, en échange d'une politique d'austérité draconienne.

Pour ses plus ardents défenseurs, le Sénat constitue un contrepoids nécessaire face au gouvernement de coalition au pouvoir.

«Le gouvernement a remporté l'élection présidentielle, détient une majorité écrasante à la Chambre basse, contrôle une bonne partie des banques à nos frais (...) Que reste-t-il? Le Sénat, au moins, représente une voix dissidente», affirme à l'AFP David Norris, sénateur depuis 1987 et candidat malheureux à la présidence en 2011.

Composé de 60 membres, le Sénat (Seanad Éireann) est dans les faits souvent réduit au rôle de chambre d'enregistrement des textes adoptés par la Chambre basse (Dáil Éireann).

Les sénateurs sont pour la plupart élus par des collèges d'élus locaux et d'universitaires et onze sont nommés par le premier ministre.

Sa prérogative la plus significative est sa capacité à retarder un projet de loi adopté par la Chambre basse de 90 jours, mais les Sénateurs n'y ont eu recours qu'à deux reprises en 75 ans.

C'est une chambre «minoritaire», qui «n'est pas représentative du peuple irlandais», a dénoncé ce mois-ci le chef du gouvernement, Enda Kenny.

S'adressant à ceux qui jugent que ce référendum «est une tentative de centraliser le pouvoir», il a lancé : «quoi de plus démocratique que de demander au peuple son point de vue quand le système politique ne parvient pas à agir depuis 50 ans?»

«La population irlandaise a dû consentir à des sacrifices terribles au cours de ces dernières années. Il n'y a pas de raison pour que la classe politique ne fasse pas la même chose», argumente Regina Doherty, l'une des responsables de la campagne pour la suppression du Sénat menée par le Fine Gael, parti du premier ministre.

La fin du Sénat permettra de réaliser «directement 8,8 millions d'euros (12,2 millions de dollars) d'économies immédiatement» et à plus long terme environ 2 millions d'euros (2,78 millions de dollars) par an de pensions de retraite, a-t-elle évalué, interrogée par l'AFP.

Pour Pearse Doherty, ancien sénateur désormais député du parti républicain Sinn Fein, la Chambre haute est «archaïque» et «antidémocratique». «Elle a été soit un tremplin pour la Chambre basse soit une maison de retraite pour ceux qui ont échoué aux élections», résume-t-il.

«Mais on ne peut plus se permettre ce luxe», juge l'élu.

L'Irlande, qui avait déjà aboli le Sénat en 1936 avant de le réinstaurer un an plus tard à la faveur d'une nouvelle Constitution, ne serait pas le premier pays à se séparer de sa Chambre haute.

Le Danemark, la Nouvelle-Zélande et la Suède ont fait de même, sans que cela provoque de remous majeur.

Le gouvernement «pense que si on se débarrasse de la Chambre haute, cela donnera l'impression aux masses que le système a été réformé, mais il va falloir beaucoup plus qu'un exercice cosmétique pour améliorer le système», prédit toutefois le sénateur Mark Daly du Fianna Fail.

Une défaite serait gênante pour le gouvernement, peu avant la présentation d'un nouveau budget d'austérité.

Les économies budgétaires avaient déjà eu raison en octobre 2011 d'une autre tradition : le port par les juges de la perruque blanche en crin de cheval, un accessoire d'un coût de 2200 euros pièce (3061 $).