La formation politique française Europe Écologie-Les Verts a perdu mercredi une de ses principales figures, Noël Mamère, le jour même où son numéro un, Pascal Durand, officialisait son retrait, illustrant les affres d'un parti en crise, tiraillé entre ses objectifs et sa participation à la coalition gouvernementale.

Après des semaines d'éloignement progressif du parti EELV dont il dénonçait sans relâche les renoncements, le député-maire de la ville de Bègles (sud-ouest), 65 ans, a franchi le pas.

«J'ai décidé de quitter EELV parce que je ne reconnais pas le parti que j'ai représenté à la présidentielle de 2002», a déclaré l'ex-journaliste au quotidien Le Monde. «Notre parti ne produit plus rien : il est prisonnier de ses calculs et de ses clans. Nous sommes devenus un syndicat d'élus».

«J'ai l'impression d'un sur-place qui nuit au rôle que nous pouvons jouer dans la société», ajoute-t-il.

Ce moustachu aux yeux clairs, devenu avocat, est une des personnalités les plus fameuses de l'écologie politique, pour la bonne raison qu'il a réalisé le plus gros score jamais obtenu par un Vert dans la course présidentielle (5,25% en 2002).

Et parce qu'il a célébré, deux ans plus tard dans sa mairie, le premier «mariage» homosexuel, illégal et cassé ultérieurement. Le geste fut considéré par les partisans de la réforme comme une avancée audacieuse et prophétique, la loi sur le mariage entre personnes du même sexe ayant été promulguée en mai 2013.

Le député a des mots durs contre la direction du parti qu'il quitte et notamment contre le traitement infligé au secrétaire national, Pascal Durand : «humiliant», juge-t-il à propos de celui qui, selon des écologistes, est contraint de quitter ses fonctions pour avoir adressé un ultimatum au gouvernement sur la transition écologiste.

«Je n'aime pas ces méthodes», dit M. Mamère. «Les vrais patrons sont ceux qu'on appelle +la firme+ : Cécile Duflot et ses amis».

Cécile Duflot, ministre du Logement, représente avec Pascal Canfin, ministre au Développement, le mouvement écologiste au sein du gouvernement du socialiste François Hollande.

«Préférence pour le nombrilisme»

Les critiques de M. Mamère ont trouvé écho chez une autre «star» partie d'EELV, l'eurodéputé Daniel Cohn-Bendit, qui a dit mercredi partager «le ras-le-bol sur le fonctionnement, le clanisme, les couples terrifiants qui règnent sur EELV».

«Cuisine interne» dont se dit victime Pascal Durand, qui a officialisé dans une interview accordée au Nouvelobs.com le fait qu'il ne briguerait pas un deuxième mandat à l'occasion du congrès annuel d'EELV, prévu pour novembre.

«Si j'avais trahi ou commis une faute, j'aurais pu comprendre la violence des critiques. Mais là j'ai porté la ligne du mouvement, je ne suis pas parti dans une dérive personnelle», estime-t-il.

Pour le chef de file des écologistes, son ultimatum au président de la République pour un virage écologiste était un «prétexte» afin de l'évincer et «l'illustration d'une certaine préférence pour le nombrilisme et la cuisine interne - les batailles de congrès et les enjeux de pouvoir - plutôt que pour le dialogue avec la société».

«Puisque je ne peux plus être le rassembleur que je souhaitais être et que je ne veux surtout pas être un diviseur de l'écologie, j'en tire les conséquences : je ne serai pas candidat au secrétariat national», annonce celui qui pourrait être candidat aux élections européennes de 2014.

La formation EELV a été créée en 2010, succédant au parti des Verts. Outre deux ministres, elle a aujourd'hui trois groupes parlementaires à l'Assemblée nationale, avec 18 élus, au Sénat et au Parlement européen de Strasbourg.

Le tiraillement entre posture protestataire et «mains dans le cambouis» a toujours agité et divisé les partis écologistes successifs en France. Les voix très critiques contre la participation d'EELV au gouvernement actuel n'ont cessé de se faire entendre ces derniers mois.

Autre vedette écologiste et non membre d'EELV, Nicolas Hulot a engagé mercredi ce parti à se «demander pourquoi il n'a pas réussi à rencontrer la société».