Les autorités russes ont annoncé mardi l'ouverture d'une enquête pour «piraterie», un crime passible de lourdes peines, contre des militants de Greenpeace qui ont abordé une plateforme du géant russe gazier Gazprom en Arctique.

Les militants ont été conduits mardi soir pour un interrogatoire dans le bâtiment du comité d'enquête local à Mourmansk (nord-ouest), où a été remorqué par les garde-côtes russes le brise-glace de Greenpeace, l'Arctic Sunrise, après avoir été pris d'assaut manu militari jeudi dernier, a déclaré à l'AFP une porte-parole de l'ONG écologiste, Maria Favorskaïa.

«On les a escortés jusque dans le bâtiment, sans les laisser dire un seul mot» ni à d'autres militants de Greenpeace qui sont venus pour les soutenir, ni à la presse, a précisé Mme Favorskaïa.

L'équipage de l'Arctic Sunrise est composé de 30 militants issus d'une quinzaine de pays, dont quatre ressortissants russes, selon la même source.

Ils ont d'abord tous été interrogés par des enquêteurs à bord de leur navire avant de recevoir l'ordre des autorités russes de ramasser leurs affaires et d'être prêts à quitter l'Arctic Sunrise pour débarquer à Mourmansk, a précisé Mme Favorskaïa.

L'enquête a été ouverte pour «piraterie en groupe organisé», un crime passible en Russie de 15 ans de détention.

«Tous ceux qui ont participé à l'attaque de la plateforme devront répondre de leurs actes, indépendamment de leur nationalité», a souligné mardi matin le Comité d'enquête dans un communiqué.

Le Comité, principal organe chargé des investigations criminelles en Russie n'a pas exclu que des militants puissent être arrêtés après leur interrogatoire à bord de l'Arctic Sunrise, pendant lequel des diplomates occidentaux, représentant les pays d'origine de membres de l'équipage, avaient également été admis sur le bateau, selon l'antenne locale du FSB (Service fédéral de sécurité).

Les enquêteurs «ont l'intention d'interroger tous les participants et d'interpeller les plus actifs d'entre eux», a souligné le Comité d'enquête.

Le Comité a accusé les militants de Greenpeace d'avoir mis en danger non seulement les personnes travaillant sur la plateforme, mais aussi l'environnement.

«Un site à haut risque»

«Il est difficile de croire que ces soi-disant militants ne savaient pas que la (plateforme) était un site à haut risque et que toute action non autorisée pouvait y provoquer un accident qui aurait mis en danger non seulement les personnes se trouvant à bord, mais aussi l'environnement», a-t-il estimé.

Selon Maria Favorskaïa, Greenpeace a envoyé une demande au Comité d'enquête afin d'avoir accès au dossier.

Jusqu'à présent, «aucun document n'a été présenté. Greenpeace ne connaît pas les accusations portées contre les militants, la raison pour laquelle ils sont, depuis déjà cinq jours, détenus», a-t-elle souligné.

De son côté, Kumi Naidoo, directeur de Greenpeace International, a dénoncé des accusations «absurdes».

«Aucune accusation de piraterie retenue contre des militants pacifiques n'a de valeur en droit international. Nous n'allons pas nous laisser intimider par ces accusations absurdes ni nous taire», a-t-il déclaré dans un communiqué.

Un membre du FSB (dont dépendent les garde-frontières) a précisé aux agences de presse russes que des représentants de plusieurs consulats avaient demandé à rencontrer l'équipage et que de telles rencontres devraient être organisées.

L'Arctic Sunrise, qui bat pavillon néerlandais, avait été dépêché dans la mer de Barents pour protester contre des projets d'exploitation pétrolière du géant énergétique russe Gazprom.

Mercredi, deux militants de Greenpeace, originaires respectivement de Suisse et de Finlande, ont été interpellés au cours d'une intervention musclée des garde-frontières, après avoir escaladé la plateforme pétrolière Prirazlomnaïa.

Ils avaient été relâchés à l'issue de quelques heures passées à bord d'un navire des gardes-côtes, et avaient pu rejoindre l'équipe de l'Arctic Sunrise.

Mais, jeudi, des commandos armés de fusils d'assaut sont descendus d'un hélicoptère à bord de l'Arctic Sunrise et ont enfermé tout l'équipage dans le mess, selon l'ONG.

Depuis, les actions de protestation se sont multipliées. Une cinquantaine d'ONG écologistes et près de 400 000 personnes ont notamment signé des pétitions appelant à la libération de ces militants, a précisé Greenpeace.

L'ONG n'a cessé de dénoncer un assaut «illégal» sur son navire, celui-ci s'étant produit, selon elle, à un moment où l'Arctic Sunrise se trouvait en dehors des eaux territoriales russes.

Gazprom prévoit d'entamer la production sur la plateforme Prirazlomnaïa au premier trimestre 2014, et les écologistes dénoncent le risque de pollution dans une zone proche de trois réserves naturelles protégées par la loi russe.

La Russie a fait une priorité stratégique du développement de l'Arctique, une immense zone regorgeant de ressources en hydrocarbures qui n'a pas encore été exploitée.