Une des jeunes femmes emprisonnées du groupe contestataire russe Pussy Riot, Nadejda Tolokonnikova, a entamé lundi une grève de la faim, se disant menacée de mort après avoir dénoncé les conditions de détention dans son camp de travail.

Dans une lettre transmise par son avocat à la presse, cette femme de 23 ans fait des conditions au camp de travail pour femmes n° 14 (Mordovie, 600 km à l'est de Moscou) un récit pouvant rappeler des témoignages sur le goulag soviétique. Elle y purge une peine de deux ans de détention.

Dans une plainte séparée adressée à la justice, elle accuse le directeur adjoint du camp, Iouri Kouprionov, de l'avoir menacée de mort le 30 août dernier après qu'elle se fut plainte des conditions de détention et de travail.

Elle ajoute que les menaces ont été relayées par des détenues, qui lui ont dit en avoir été «chargées par l'administration».

Selon son récit, les prisonnières sont systématiquement humiliées et réduites à l'état d'«esclavage», forcées de travailler 16 ou 17 heures par jour et privées de sommeil, ainsi que des conditions d'hygiène élémentaires.

Cette ancienne étudiante en philosophie, mère d'une fillette de cinq ans, a été condamnée en août 2012, avec deux camarades, à deux ans de détention pour une «prière punk» contre Vladimir Poutine, chantée dans la cathédrale de Moscou.

L'une des trois a été libérée, mais Nadejda Tolokonnikova et Maria Alekhina, qui ne veulent pas se reconnaître coupables, se sont vu refuser toute libération anticipée.

La grève de la faim est «la seule issue pour moi dans cette situation», écrit la jeune femme dans sa lettre.

«J'exige que l'on nous traite comme des êtres humains, et non comme des esclaves», ajoute-t-elle.

Elle explique que sa «brigade», employée à coudre des uniformes de police, commence le travail à 7 h 30 pour finir à 0 h 30, avec au maximum quatre heures de sommeil et un jour de repos tous les mois et demi.

Toute incartade, tout relâchement est puni de sanctions et d'humiliations.

Cela peut être l'interdiction de rentrer au baraquement, été comme hiver : selon elle, une des détenues a ainsi eu une jambe et les doigts d'une main gelés et amputés. Une autre sanction peut être l'interdiction de se laver et d'aller aux toilettes, ajoute Nadejda Tolokonnikova.

«Le régime dans le camp est fait de telle manière que l'anéantissement de l'individu et sa transformation en esclave silencieux sont réalisés par les détenues elles-mêmes, celles qui sont chefs de brigade et reçoivent des ordres de la direction», écrit-elle encore.

Elle estime avoir été jusqu'à présent protégée par sa notoriété.

«Les autres sont battues. Dans les reins, au visage. Ce sont des détenues elles-mêmes qui frappent (mais), pas un passage à tabac ne se fait sans l'assentiment de l'administration», affirme Nadejda Tolokonnikova.

Elle assure qu'une prisonnière tsigane a été battue à mort il y a un an, avant qu'elle n'arrive dans le camp, et que son décès a été attribué à une rupture d'anévrisme.

Les détenues sont nourries de «pain rassis, de lait largement coupé d'eau, de semoule abîmée et de pommes de terre pourries», affirme-t-elle.

Enfin, les conditions d'hygiène «sont organisées de telle manière que les détenues se sentent comme des animaux sales et dénués de droits», déclare Nadejda Tolokonnikova, une jolie brune dont les images ont fait le tour du monde ces deux dernières années, en faisant une icône de la contestation du pouvoir de Vladimir Poutine.

«Quand l'égout se bouche, l'urine et les matières fécales remontent dans les salles d'eau. Nous avons appris à déboucher nous-mêmes les canalisations, mais cela ne dure pas longtemps», ajoute la jeune femme.

Dans un communiqué, le Service russe de l'exécution des peines a rejeté toutes les accusations de Nadejda Tolokonnikova, et affirmé que son avocate Irina Trounova et son mari Piotr Verzilov avaient tenté d'exercer un «chantage» pour obtenir qu'elle soit affectée à un travail moins éprouvant.

Le camp de travail n° 14 est un camp «modèle», a déclaré à l'antenne de la radio Écho de Moscou le président d'une commission régionale, Guennadi Morozov, qui, selon des médias, est lui-même un ancien responsable des services pénitentiaires.