Angela Merkel, qui va enchaîner un troisième mandat de chancelière pendant 4 ans, après les législatives de dimanche, est à la fois «la femme la plus puissante du monde» et l'un des dirigeants européens les plus décriés.

Très aimée des Allemands, cette conservatrice de 59 ans venue de l'ex-RDA, a remporté un triomphe personnel puisque, avec une campagne entièrement axée sur sa personne, son parti, l'Union chrétienne-démocrate (CDU, parti conservateur), a obtenu son meilleur score depuis la Réunification en 1990 avec 41,5% des suffrages.

Elle a même frôlé l'exploit de Konrad Adenauer en 1957: disposer de la majorité absolue des députés au Bundestag.

Tour à tour surnommée «la chancelière de fer», pour sa défense des politiques d'austérité, ou «Mutti» (maman), elle rassure les Allemands dans la tempête européenne. A son dernier meeting de campagne, elle a pu entendre un groupe de musiciens venus lui chanter : «Angie doit sauver le monde».

Mais dans les rues en colère de Lisbonne ou de Madrid ont fleuri les portraits d'Angela Merkel affublés d'une moustache à la Hitler, ou les slogans du type «Merkel nazie, dehors!».

A Athènes, la foule l'a accusée de vouloir mettre la Grèce à genoux pour mieux la spolier.

Celle qui a été désignée «femme la plus puissante» de la planète pour la 7e fois en huit ans de mandat par le magazine américain Forbes assure que Berlin ne cherche pas à exercer une quelconque hégémonie sur l'Union européenne. Mais de rajouter qu'on n'en serait pas là si tout le monde s'était serré la ceinture comme l'a fait la première économie européenne.

Angela Dorothea, née Kasner, grande admiratrice de Catherine II de Russie, était une enfant douée pour le russe et les maths, qui rêvait de devenir patineuse artistique.

Elle est la première femme à diriger l'Allemagne, la première depuis la Britannique Margaret Thatcher à gouverner un grand pays européen.

Huit ans après son accession au pouvoir à la faveur d'une alliance entre les conservateurs et les sociaux-démocrates (SPD), l'usure ne semble pas la guetter. Son endurance pendant les sommets européens à Bruxelles, alliée à sa passion pour l'opéra, lui valent le sobriquet de «Reine de la nuit».

Mme Merkel, qui devrait être contrainte de s'allier de nouveau au SPD après quatre ans avec les Libéraux du FDP, bénéficie en Allemagne d'une popularité sans équivalent depuis la Guerre.

«Elle est devenue une sorte de mère de la nation», estime le politologue Oskar Niedermayer. «Elle incarne le commun des mortels (...) et défend les intérêts allemands» dans la crise. «Tout ceci la fait apparaître très calme et terre-à-terre et ça plait aux gens».

Ses adversaires lui reprochent une gestion au jour le jour, sans vision politique. Angela Merkel se veut pragmatique. Et ne craint pas les virages à 180 degrés, comme celui, spectaculaire, sur l'énergie nucléaire.

En 2010, elle décidait d'allonger la durée d'activité des centrales. Mais quelques mois plus tard, après la catastrophe de Fukushima en mars 2011, elle annonçait la sortie du nucléaire d'ici à 2022.

Son biographe Gerd Langguth la présentait comme «un sphinx» qui a appris de ses années sous la dictature est-allemande à dissimuler ses opinions.

Née à Hambourg (nord), elle a grandi en ex-Allemagne de l'Est (RDA) où son père pasteur s'était installé pour prêcher la bonne parole en terre communiste.

Docteur en physique, Angela Merkel, qui a récemment confessé une rare erreur de jeunesse, celle de s'être enivrée à la liqueur de cerise à 18 ans, a entamé sa carrière politique à la chute du Mur. Dont elle n'a pourtant rien su sur le moment : elle était au sauna le 9 novembre 1989 au soir.

Repérée par Helmut Kohl en 1990, «la gamine», comme il la surnomme, se voit confier deux maroquins par le «chancelier de la Réunification», l'Environnement et les Femmes.

Elle profite d'un scandale de financement occulte de la CDU pour prendre la place de son mentor à la tête de cette formation en 2000.

Protestante, sans enfants, divorcée (elle a gardé le nom de Merkel de son premier mari) et remariée à un chimiste de renom, mais effacé, Joachim Sauer, elle s'impose en tant que chef d'un parti de tradition catholique, dominé par des hommes d'Allemagne de l'Ouest. Depuis, tous ses rivaux potentiels ont été éliminés.

Moquée pour son manque d'élégance, il n'y a pas longtemps par Karl Lagerfeld, la chancelière au tailleur pantalon -un modèle, des dizaines de coloris- a opté pour la discrétion sur sa vie privée. Mais on peut encore parfois la voir faire ses courses au supermarché, une image à des années lumières des dirigeants des principales puissances mondiales.

Son seul luxe, en vacances, est une soirée au festival Wagner de Bayreuth. Après quoi, elle disparaît dans les montagnes pour faire de la randonnée.