Les élections législatives 2013 en Allemagne ont tourné à l'apothéose dimanche pour Angela Merkel, dont le style s'accorde avec l'état d'esprit des Allemands et qui a su désarmer alliés et adversaires, selon des analystes.

«La République Merkel», titrait dimanche l'influent hebdomadaire Der Spiegel sur son site Internet, avec une photo de la chancelière aux airs de magicienne  enchantée du tour qu'elle vient d'accomplir.

Dans la lignée d'une campagne de son parti entièrement axée autour de sa personne, le résultat de ces élections pourrait se résumer en un mot : Merkel, et le quotidien de centre gauche Süddeutsche Zeitung inventait même un néologisme, le «merkelisme», pour définir la nouvelle ère politique dans laquelle entrait l'Allemagne.

«Vainqueur est un mot masculin, Angela Merkel en a inventé la version féminine», ajoutait le journal. Et le parti conservateur, l'Union chrétienne-démocrate (CDU), de la chancelière flirtait même dimanche soir avec la majorité absolue au Bundestag pour la première fois depuis 1957, avec un Konrad Adenauer alors au faîte de sa puissance.

Et la victoire semble encore plus éclatante si l'on compare le destin de Mme Merkel à ceux de ses homologues des grands pays européens. Aucun n'a survécu à la  crise économique, la chancelière en sort plébiscitée.

«Pour la première fois, Angela Merkel a vraiment gagné», soulignait sur son blog Michael Spreng, qui fut directeur de campagne de la CDU aux législatives de 2002.

«En 2005 et 2009, elle avait obtenu les deux plus mauvais résultats de l'histoire de la CDU. Et elle avait pu devenir chancelière parce qu'en 2005, une coalition entre le Parti social-démocrate (SPD), les Verts et Die Linke (gauche radicale) n'avait pu être constituée et en 2009 parce que le FDP (Parti libéral-démocrate) avait atteint 14,6%», analysait-il.

Cette fois-ci, «elle va redevenir chancelière, non pas en raison de circonstances heureuses, mais parce qu'elle a su focaliser autour d'elle le corps électoral».

Seule, en gros plan, sur ses affiches électorales, seule dans le spot de campagne de son parti, Mme Merkel convainquait déjà, avant même le scrutin, près d'un électeur du SPD sur deux et presque autant chez les Verts, selon plusieurs sondages.

«Mme Merkel est la personnalité politique préférée des Allemands et de loin», affirmait à l'AFP le politologue Siegmar Schmidt, de l'Université de Coblence-Landau (ouest).

«Elle incarne très bien la mentalité allemande», jugeait-il, ajoutant : «elle sait temporiser, ce n'est pas une grande oratrice, elle n'est pas charismatique, mais elle est résolue, elle fait impression, mais avec humilité. Je pense que cette manière, ce style passent très bien».

Jackson Janes, président de l'Institut américain d'études allemandes contemporaines, approuvait :  «ce style de gouvernement fondé sur la recherche du consensus - prenons les choses calmement, ne nous énervons pas, nous allons nous en sortir, c'est quelque chose que les Allemands apprécient», a-t-il dit à l'AFP.

Elle est comme «un skieur qui descend la piste, en slalomant tranquillement pour être sûr d'arriver en bas sans dommage», résumait-il.

Les élections viennent également couronner ses talents de stratège politique qui parvient à désarmer ses adversaires comme ses alliés.

«On peut comparer Mme Merkel à une araignée qui se nourrit des mouches qu'elle capture», soulignait ainsi Nils Diederich de l'Université libre de Berlin. «C'est ce qu'elle a fait en 2009 avec les sociaux-démocrates, et c'est ce qu'elle fait maintenant avec le FDP», privé de députés faute d'avoir atteint la barre fatidique des 5%.

Aux précédentes législatives, le SPD n'avait en effet tiré aucun crédit de la grande coalition à laquelle il participait, Merkel oui. Et en 2013, le FDP sort du Bundestag (chambre basse du Parlement) pour la première fois de l'histoire de la RFA, tandis que la chancelière triomphe.

Tout au long de son deuxième mandat, Mme Merkel a également désarmé ses adversaires, en renonçant par exemple au nucléaire après Fukushima, coupant l'herbe sous le pied de Verts alors en première ligne.

Ces derniers mois, elle a enfin parfaitement réussi à conduire ce que les commentateurs ont appelé la stratégie de la «démobilisation asymétrique» consistant à décourager l'électeur adverse, en le convainquant que ses convictions, ses idées seront de toute façon mieux défendues avec le vote Merkel.

«Restez calmes et votez pour la chancelière», plaisantait ces dernières semaines une affiche des jeunes conservateurs, détournant la campagne «Keep calm and carry on» du gouvernement britannique, à l'orée de la Seconde Guerre mondiale.

Dimanche, les Allemands ont gardé leur calme et ont voté pour la chancelière.