Les Suisses ont très largement voté dimanche pour le maintien de la conscription militaire obligatoire, un vote perçu comme une confirmation identitaire pour cette nation de huit millions d'habitants.

La surprise est venue sur une autre question dans le seul canton du Tessin, voisin de l'Italie, où les électeurs devaient se prononcer pour l'interdiction de se cacher le visage dans les lieux publics, une initiative considérée comme une étape vers une loi anti burqa.

Au niveau fédéral, 73 % des votants ont dit non à la proposition du Groupe pour une Suisse sans Armée (GSsA), formé notamment de socialistes, verts et féministes, selon une projection de l'institut de sondage GFS de Berne pour la télévision publique RTS. Il proposait de supprimer la conscription obligatoire pour la remplacer soit par des volontaires, soit par une petite armée de métier.

«Le peuple ne s'est pas laissé berner par cette mauvaise question», a estimé à la radio Denis Froidevaux, président de la Société suisse des officiers. Qualifiant la question du GSsA «d'initivative roulette russe, oui ou non», il a cependant estimé que «cela ne signifie pas qu'il ne faut pas entendre les critiques et les propositions qui sont faites par différents mouvements».

Il voit plusieurs pistes de réformes possibles, comme une extension du service civil (pompiers, ambulanciers..) déjà proposé comme alternative à l'armée, mais aussi un élargissement de la base du recrutement qui ne concerne aujourd'hui que les hommes suisses et pourrait concerner les femmes (elles peuvent déjà servir sur une base volontaire) et les résidents étrangers.

L'armée de milice constituée de citoyens-soldats est considérée comme l'un des piliers fondateurs de la nation suisse. Ses effectifs ont été profondément revus à la baisse, de 625 000 en 1961, ils sont de 155 000 aujourd'hui et passeront à 100 000 en 2016.

Tous les grands partis étaient contre l'initiative, à l'exception du parti socialiste. Les deux chambres du Parlement avaient largement voté contre le projet.

Le gouvernement s'était aussi prononcé pour le maintien. La Suisse va ainsi à l'encontre du mouvement général en Europe où une majorité de pays ont abandonné le service militaire obligatoire au profit d'une armée de métier. Avec la Suisse, seules en Europe, la Norvège, la Finlande, le Danemark, l'Estonie, l'Autriche, la Grèce et Chypre maintiennent la conscription.

La votation de dimanche portait également sur l'ouverture nuit et jour des boutiques des stations services d'autoroute, une question qui a mobilisé la gauche et les syndicats qui y voient une tentative des libéraux de remettre en cause les lois sur le temps de travail et la fermeture des boutiques le dimanche.

Le oui l'emporte. Certains y voient un test des mesures de libéralisation économique que la Suisse pourrait adopter dans le futur.

Même chose pour le vote sur la loi sur les épidémies, le oui l'emporte pour placer la politique de vaccination sous l'autorité fédérale et non sous celle des cantons, une défaite pour les tenants des médecines douces.

Les électeurs du canton du Tessin auraient voté à près de 65 % pour une interdiction de se cacher le visage dans les lieux publics, une initiative considérée comme une étape vers une loi anti burqa, selon une projection de la Radio Télevision Suisse italienne.

Ce canton de 350 000 habitants deviendrait ainsi le premier canton suisse à interdire le port d'un voile religieux sur le visage dans les lieux publics.

Les électeurs devaient se prononcer sur la question suivante: «Personne ne peut dissimuler ou cacher son visage sur la voie publique, ni dans les endroits ouverts au public (exception faite des lieux de culte) ou destinés à offrir un service public».

Il était ajouté: «Personne ne peut obliger une personne à dissimuler son visage en raison de son sexe».

Des associations musulmanes suisses et Amnesty International avaient pris position contre ce projet. Il y a environ 400 000 musulmans en Suisse (5 % de la population). «Il est faux d'affirmer qu'une interdiction de la burqa contribuerait d'une manière générale à l'émancipation», avait mis en garde avant le vote Manon Schick, directrice de la section suisse d'Amnesty.