Un Lituanien de la mission de l'UE a été tué par balles jeudi dans le nord du Kosovo, une première depuis l'indépendance kosovare en 2008, un incident qui porte un coup aux efforts de normalisation des relations entre le Kosovo et la Serbie sous parrainage européen.

La victime, Audrius Senavicius, est un officier des douanes âgé de 35 ans, a-t-on indiqué de source officielle lituanienne.

L'incident s'est produit à quelques semaines de la tenue d'élections municipales le 3 novembre au Kosovo, dans le cadre de la mise en oeuvre de cet accord de normalisation conclu à Bruxelles en avril.

La chef de la diplomatie européenne Catherine Ashton a fermement condamné cette attaque et a exhorté Belgrade et Pristina à «redoubler leurs efforts dans la mise en oeuvre» de l'accord de Bruxelles.

À Belgrade, le premier ministre Ivica Dacic a dénoncé un «acte de folie extrémiste» qui risque de menacer sérieusement la paix, la stabilité et la sécurité au Kosovo.

«Il ne s'agit pas d'un tir contre l'EULEX. C'est un tir contre l'avenir du peuple serbe au Kosovo, contre l'avenir de la Serbie et de ses citoyens», a-t-il poursuivi en soulignant que cette attaque représentait «un grand dommage pour les intérêts de la Serbie».

L'événement s'est produit tôt le matin lorsque des inconnus ont ouvert le feu sur deux véhicules de la mission de police et justice de l'UE (EULEX) qui transportaient six membres de la mission à proximité de Zvecan, dans le nord du Kosovo majoritairement peuplé de Serbes, a indiqué l'EULEX dans un communiqué.

À Kosovska Mitrovica, le directeur de l'hôpital, Milan Ivanovic, a précisé à l'AFP que la victime avait été touchée de deux balles, au poumon gauche et à l'estomac.

«Nous avons admis vers 8 h 15 (2 h 15 à Montréal) un membre d'EULEX touché par deux balles et qui ne donnait plus de signes de vie. Après une tentative infructueuse de réanimation, nous avons constaté son décès à 8 h 50 (2 h 50 à Montréal)», a déclaré M. Ivanovic.

«Il ne s'agit pas d'un crime ordinaire. L'incident est lié aux négociations» qui se poursuivent entre Pristina et Belgrade sous parrainage de l'UE, a fait valoir l'analyste politique kosovar, Agron Bajrami.

«C'est un grave coup porté au Kosovo, à l'UE et au processus de normalisation», a-t-il ajouté.

Quelque 40 000 Serbes vivant dans le nord du Kosovo refusent toujours de reconnaître l'autorité de Pristina après la proclamation de l'indépendance du pays, et ont boycotté les précédentes élections municipales en 2010.

Néanmoins, plusieurs listes serbes se sont finalement enregistrées le 4 septembre, date limite pour se présenter au scrutin du 3 novembre.

Le bon déroulement de ces municipales fait partie des engagements de l'accord de Bruxelles, qui donne un certain degré d'autonomie à la région nord de ce territoire, limitrophe de la Serbie. Pristina n'exerce pratiquement aucun contrôle sur cette région.

Face à l'hostilité de certains élus dans le nord du Kosovo à la mise en oeuvre de l'accord de Bruxelles, Belgrade avait décidé le 10 septembre de dissoudre les Conseils municipaux des Serbes du nord du territoire.

La Serbie, qui espère ouvrir prochainement ses négociations d'adhésion à l'UE, s'est engagée à tout mettre en oeuvre pour préparer les élections municipales et à encourager la participation des Serbes du Kosovo au scrutin.

Le nord du Kosovo a souvent été le théâtre de tensions et de violences.

En mars 2008, un policier ukrainien de l'ONU avait été tué dans des émeutes à Kosovska Mitrovica.

En novembre 2011, lors d'accrochages avec la Force de l'OTAN (KFOR) au Kosovo, des manifestants serbes avaient blessé une trentaine de soldats, dont deux par balle, suscitant de vives condamnations de la communauté internationale.

Fin juillet, deux policiers européens avaient été blessés à Zvecan lorsque des manifestants serbes en colère avaient arrêté une patrouille de l'EULEX et s'étaient mis à jeter des pierres sur le véhicule.

La Serbie a perdu le contrôle du Kosovo en juin 1999, à la suite des bombardements de l'OTAN qui ont fait cesser la répression menée par les forces serbes contre la guérilla indépendantiste kosovare albanaise et la population civile.

Belgrade et les Serbes du Kosovo refusent de reconnaître l'indépendance de ce territoire, même si près de 100 pays, dont les États-Unis et la plupart des pays de l'UE, l'ont fait.