La conservatrice Erna Solberg, pressentie pour prendre les rênes de la Norvège, manie tact et fermeté, deux qualités indispensables pour composer avec les exigences souvent antinomiques de ses alliés probables, la droite populiste et le centre droit.

La droite ayant remporté les élections législatives lundi, Mme Solberg, 52 ans, devrait, sauf surprise majeure, être appelée à former dans les semaines à venir un nouveau gouvernement dont les contours restent à déterminer.

«Aujourd'hui, les électeurs ont donné avec leurs scrutins une victoire électorale historique aux partis +bourgeois+», a s'est-elle félicitée, radieuse, devant ses partisans.

Cent ans après avoir accordé le droit de vote aux femmes, la Norvège s'apprête donc une nouvelle fois à confier son destin à une femme quelques décennies après Gro Harlem Brundtland, égérie du parti travailliste et Premier ministre à trois reprises dans les années 1980 et 1990.

Pour Erna Solberg, ce sera la consécration d'une carrière tout entière consacrée à la politique.

Native de Bergen, cité hanséatique de l'ouest de la Norvège, cette femme blonde et corpulente est devenue députée à 28 ans après de longues années d'études de science politique et d'économie.

Un siège qu'elle ne quittera plus, sauf entre 2001 et 2005 lorsqu'elle est propulsée ministre des collectivités locales, chargée de l'immigration.

Elle y gagne sa réputation de fermeté et le surnom d'«Erna de fer» pour la poigne dont elle fait preuve en matière de politique d'asile.

Après avoir frôlé l'éviction de la présidence du parti en 2005, un an après sa prise de fonctions, à cause de résultats électoraux calamiteux, elle infléchit la ligne du parti en mettant l'accent sur les questions sociales.

«Nous avons compris que l'image qu'on se faisait de nous-mêmes n'était pas la même que celle qu'avaient les gens de nous», a-t-elle confié.

«Les gens, pas l'argent», devient son mot d'ordre.

Elle multiplie alors les visites d'hôpitaux, de maisons de retraite et d'écoles, sans renoncer pour autant aux promesses de réductions fiscales, par exemple de l'impôt sur la fortune.

Pas question de démanteler le généreux Etat-providence norvégien mais plutôt de faire une place plus large aux acteurs privés dans les services publics pour en améliorer l'efficacité.

«Nous sommes un parti conservateur libéral. Les révolutions, ce n'est pas notre truc», dit-elle.

Mariée et mère de deux enfants, Erna Solberg a élargi la base de l'électorat conservateur et redonné aux Norvégiens le goût de voter pour un parti jugé jusqu'alors un peu poussiéreux et guindé.

Jouant la carte de la «femme ordinaire», elle s'est laissé capturer cet été dans un reportage à domicile avec la table à repasser trônant négligemment au milieu d'un beau fouillis et des bouteilles d'alcool en évidence sur l'étagère.

Dotée d'un fort instinct de compétition, la probable future chef du gouvernement passe souvent ses instants de détente en jouant à Candy Crush qui consiste à former des associations de bonbons identiques.

Elle va devoir dorénavant s'employer à trouver des combinaisons d'un goût peut-être plus amer dans les négociations avec les autres formations de droite dont le soutien lui est indispensable pour trouver une plateforme de gouvernement viable.

Car, faute d'accord avec la droite populiste et deux partis de centre droit, les démocrates-chrétiens et les libéraux, aux vues souvent divergentes, la Norvège pourrait retomber sous la coupe de leur rival commun, le travailliste Jens Stoltenberg, dont le parti reste la première force au Parlement.