Le quotidien français Le Monde a dénoncé lundi une nouvelle affaire d'espionnage dont ont été victimes deux de ses journalistes, dont l'un a été mis sur écoutes sur ordre d'un juge.

«La police a, sur ordre d'un juge, à nouveau exploré les factures téléphoniques détaillées - les fameuses fadettes - de deux journalistes du Monde», écrit le quotidien dans son édition datée du 10 septembre.

«Cette fois, les enquêteurs ont été plus loin et toutes les conversations de l'un des reporters ont été écoutées pendant un mois entier» en 2009, ajoute Le Monde.

L'affaire remonte à 2006, quand un membre du Gang des Barbares - condamné en appel à 18 ans de réclusion en 2010 pour avoir enlevé et torturé un jeune d'origine juive, Ilan Halimi, mort de ses blessures - a porté plainte, dénonçant une violation du secret de l'instruction, après la parution d'un article dans Le Monde.

Chargée d'instruire cette plainte, la magistrate Michèle Ganascia a ordonné à l'Inspection générale des services (IGS) de «procéder à toutes auditions, perquisitions, réquisitions et saisies utiles», affirme Le Monde.

L'IGS requiert alors les fadettes - sur plus d'un mois - des téléphones fixe et portable des deux signataires de l'article, Gérard Davet et Piotr Smolar.

Trois ans plus tard, la juge ordonne le placement sur écoutes de M. Davet pendant un mois, du 27 février au 27 mars 2009, selon Le Monde.

Le Monde, qui dénonce une violation du principe du secret des sources, déposera un recours pour faire annuler les fadettes et écoutes téléphoniques, avant d'engager des «actions judiciaires appropriées», a indiqué à l'AFP son avocat, Me François Saint-Pierre.

«Nous voulons d'une part la vérité, à savoir comprendre pourquoi M. Davet a été espionné trois ans après la parution de son article, et d'autre part tracer une jurisprudence pour la protection des sources des journalistes», a déclaré Me Saint-Pierre.

Plusieurs affaires de «fadettes» ont récemment démontré les limites de la loi de 2010 censée protéger les sources de la presse.

L'ex-patron du renseignement intérieur, Bernard Squarcini, a été renvoyé en correctionnelle en juin pour avoir fait requérir et analyser les fadettes de M. Davet dans une autre affaire, à l'origine de révélations potentiellement embarrassantes pour le pouvoir sous la présidence de Nicolas Sarkozy.

Un nouveau texte censé améliorer la protection des sources des journalistes a été adopté en juin en Conseil des ministres. De nombreux médias et associations y ont toutefois vu de nombreuses régressions pour la liberté de la presse.