L'opulente Norvège votait lundi pour des législatives qui devraient déboucher, pour la première fois de son histoire, sur l'entrée d'un parti populiste antiimmigration dans un gouvernement dominé par les conservateurs, deux ans après les sanglantes attaques de Breivik.

De la Laponie, à près de 2000 km au nord d'Oslo, à un magasin Ikea abritant un bureau de vote près de Bergen (ouest), une majorité des 3,64 millions d'électeurs semblait pencher pour le changement dans un pays à la prospérité pourtant exceptionnelle en Europe.

«Les sondages ont été très bons et on espère que les résultats ce soir le seront aussi», a déclaré la patronne des conservateurs, Erna Solberg, pressentie pour être la prochaine première ministre, après avoir voté.

La dernière enquête d'opinion parue dimanche créditait la droite de 54,3% des intentions de vote, soit une confortable majorité de 95 sièges sur 169 au Parlement, contre 39% seulement à la gauche.

À la tête depuis 2005 d'une coalition regroupant son parti travailliste, la Gauche socialiste et le parti centriste, le premier ministre sortant Jens Stoltenberg a refusé de s'avouer vaincu.

«Ce ne sera pas facile de gagner les élections, mais c'est possible», a-t-il déclaré à la chaîne TV2 Nyhetskanalen, en faisant valoir que plusieurs centaines de milliers d'électeurs se décidaient au dernier moment.

Pour les commentateurs, l'issue du scrutin ne fait pourtant plus de doutes.

«La coalition sortante demande la confiance des électeurs pour quatre ans supplémentaires. Elle ne l'aura pas», écrivait le journal de référence Aftenposten lundi.

Les premiers résultats partiels devraient être connus à 21H00 (19H00 GMT).

Après huit années aux commandes, une longévité exceptionnelle en Norvège, la gauche pâtit d'une usure du pouvoir.

Tout semblait pourtant plaider pour sa reconduction: après avoir traversé la crise sans casse, le pays affiche une prospérité économique exceptionnelle en Europe avec un chômage quasi inexistant et des niveaux de vie très élevés.

Résolument à l'écart de l'Union européenne, la Norvège possède aujourd'hui le plus gros fonds souverain au monde, pesant quelque 750 milliards de dollars.

«Même s'il y a beaucoup de choses qui vont bien, il y a toujours beaucoup de choses qui peuvent aller encore mieux», a expliqué M. Stoltenberg.

En face, les quatre partis dits «bourgeois» sont d'accord pour vouloir l'alternance, mais n'ont pas encore convenu des contours d'un nouveau gouvernement ni de son programme précis, lesquels dépendront de leur poids respectif au sortir des urnes.

Le scénario jugé le plus probable est un gouvernement minoritaire regroupant les conservateurs et le parti du Progrès (FrP, populiste), avec le soutien --sans participation-- de deux petits partis de centre droit, les démocrates chrétiens et les libéraux.

Dans un apparent paradoxe, les législatives pourraient ainsi déboucher sur l'arrivée au pouvoir, pour la première fois dans ses 40 ans d'histoire, du FrP, un parti dont l'extrémiste de droite Anders Behring Breivik a été membre jusqu'en 2006.

Le 22 juillet 2011, Breivik avait choqué la Norvège en tuant 77 personnes en faisant d'abord exploser une bombe près du siège du gouvernement à Oslo puis en ouvrant le feu sur un rassemblement de Jeunes travaillistes sur l'île d'Utoeya.

Le FrP, qui s'est nettement démarqué du tueur, a mis en sourdine ses propos sur les immigrés depuis.

Ilot de prospérité, la Norvège attire les étrangers: 70 000 d'entre eux ont mis le cap vers le pays scandinave l'an dernier, dont 25 000 de non-Européens, gonflant rapidement la population qui ne compte qu'un peu moins de 5,1 millions d'individus.

Pendant la campagne, il a été très peu question d'immigration et encore moins des attaques de Breivik, les débats ayant plutôt porté sur la santé, l'éducation, les infrastructures, la fiscalité et l'utilisation de l'immense manne pétrolière.

«Je pense que Breivik n'est pas pertinent dans ce contexte», a confié à l'AFP Peter Linge Hessen, jeune militant travailliste qui a lui-même survécu au massacre d'Utoeya.

Donné aux alentours de 15% dans les sondages, le FrP de Mme Siv Jensen semble en fait en passe de perdre près d'un tiers de ses électeurs depuis les précédentes législatives de 2009 et d'être relégué de la deuxième à la troisième place au Parlement.