Barack Obama et Vladimir Poutine ont finalement parlé en tête-à-tête de la crise en Syrie vendredi à Saint-Pétersbourg, mais ont campé sur les antagonismes qui ont scindé le G20 en deux et provoquent une tension diplomatique croissante.

Le G20 sort divisé en deux camps de ces deux jours de sommet électrique, où la guerre civile syrienne a complètement dominé les habituels sujets économiques.

Onze pays menés par les États-Unis ont réclamé dans un communiqué commun une «réponse internationale forte» contre Damas, qui est «clairement» responsable de l'utilisation d'armes chimiques contre sa population. L'Allemagne est le seul pays européen membre du G20 à ne pas avoir signé cet appel.

Une position justifiée par la volonté de la chancelière Angela Merkel de dégager avant tout un «consensus européen», selon un porte-parole.

Barack Obama, qui dit que le monde «ne peut pas rester les bras ballants», était venu sur les terres natales de Vladimir Poutine, principal soutien de Damas, pour rallier le maximum de soutiens à son projet d'attaque. Cette option militaire n'est pas clairement évoquée dans l'appel, mais les signataires jugent quand même que «le monde ne peut pas attendre indéfiniment».

Les pays non signataires se retrouvent de facto ralliés à la Russie, le principal verrou qui bloque le Conseil de sécurité à l'Onu, et qui n'est officiellement pas convaincu de la culpabilité de Damas.

«Constructive»

Barack Obama et Vladimir Poutine se sont vus en tête-à-tête vendredi, au lendemain du dîner officiel du G20 qui avait dressé le constat du blocage.

Le président russe a abordé son homologue américain, «les deux dirigeants ont décidé d'aller dans un coin où ils ont rapproché leurs sièges et se sont parlé entre une vingtaine de minutes et une demi-heure tandis que les autres participants au sommet les observaient», a raconté un haut responsable américain. La conversation a porté essentiellemet sur «l'action militaire que nous envisageons, mais également sur le processus de Genève», a ajouté ce responsable.

L'entretien a été «constructif», ont déclaré les deux hommes au cours de conférences de presse distinctes.

Pour autant, «chacun est resté sur sa position», a dit M. Poutine.

«J'ai dit : "Écoutez, je ne m'attends pas à ce que nous nous mettions d'accord sur la question des armes chimiques"«, a rapporté M. Obama.

«Bien qu'il soit possible qu'après la publication du rapport des inspecteurs de l'ONU (sur l'attaque chimique du 21 août, ndlr) il soit plus difficile pour M. Poutine de maintenir sa position», a voulu croire le président américain.

Escalade

Ces entretiens et cet appel international sont tombés alors que les deux pays ont repris de plus belle leur escalade.

«Je pense que les Russes n'ont rien à apporter au débat aux États-Unis» sur la Syrie, a affirmé vendredi matin le conseiller adjoint à la sécurité nationale américain, Ben Rhodes, faisant allusion à la possible venue d'une délégation russe aux États-Unis.

Jeudi, l'ambassadrice américaine auprès des Nations unies, Samantha Power avait accusé Moscou de prendre le Conseil de sécurité en «otage», verrouillant, avec la Chine, tout projet d'attaque.

Le secrétaire d'État américain John Kerry est arrivé vendredi soir à Vilnius pour une brève tournée en Europe destinée à tenter de convaincre ses homologues de l'UE du bien-fondé du projet de frappes sur la Syrie. Après Vilnius, il se rendra samedi après-midi à Paris, puis dimanche à Londres, avant de regagner les États-Unis lundi.

Les Russes ont pour leur part mis en garde contre toute frappe sur les stocks d'armes chimiques en Syrie qui aurait des conséquences sur l'environnement.

Ils ont aussi annoncé un nouveau renforcement de leur dispositif militaire, avec un navire supplémentaire qui ira croiser au large des côtes de leur allié, pour faire face aux navires américains.

Les prochains jalons prévisibles de cette crise sont attendus la semaine prochaine, avec mardi aux États-Unis, un discours de M. Obama à la Nation qui tentera de convaincre les élus de l'autoriser à lancer des frappes contre Damas. Un défi «difficile», reconnaît le président américain, qui n'a pas répondu aux questions demandant ce qu'il ferait en cas de rejet.

Le président du Parlement syrien a exhorté vendredi les parlementaires américains à ne pas autoriser de frappe militaire contre son pays, a rapporté vendredi l'agence syrienne officielle Sana.

Lundi prochain, jour de la rentrée parlementaire américaine, le ministre syrien des Affaires étrangères sera à Moscou pour faire le point sur la crise.

Sur le terrain, la tension monte aussi, à tel point que les États-Unis ont ordonné l'évacuation de personnel à Beyrouth, et accepté le départ d'employés dans le sud de la Turquie, recommandant d'éviter de se rendre dans ces deux pays.

Au Liban, les autorités ont annoncé un renforcement des mesures de sécurité autour des missions diplomatiques.

L'Italie, signataire de l'appel des onze pays du G20, a envoyé un navire de guerre dans l'est de la Méditerranée, qui pourrait être utilisé pour évacuer les troupes italiennes dans le sud du Liban en cas d'embrasement de ce pays voisin de la Syrie.

Le président français François Hollande, soutien des États-Unis, signataire de l'appel, a déclaré vendredi que, si la France attaquait, elle ne frapperait que des «cibles militaires», et pas avant la publication des résultats de l'enquête de l'Onu.

«Allons nous aider la Syrie ? (si elle est attaquée, ndlr), Nous l'aiderons», a assuré M. Poutine vendredi.

En Syrie même, l'armée a lancé vendredi une opération d'envergure avec l'intention apparente de reprendre la localité de Mouadamiyat al-Cham, lieu d'une attaque présumée à l'arme chimique et verrou d'un aéroport militaire stratégique au sud-ouest de Damas, selon une ONG syrienne.

Les rebelles se sont quant à eux retirés de l'une des entrées de Maaloula dont ils avaient pris le contrôle mercredi, a affirmé l'opposition, soulignant sa volonté de préserver les monuments religieux et archéologiques de cette antique cité chrétienne située au nord de Damas.