Les dirigeants des principaux pays européens ont entamé vendredi des consultations pour «porter un message européen fort» sur les événements en cours en Égypte, où de nouvelles violences ont éclaté entre partisans du président déchu Mohamed Morsi et les forces de l'ordre.

Le président français François Hollande s'est entretenu successivement par téléphone avec la chancelière allemande Angela Merkel, avec le président du Conseil italien Enrico Letta et avec le premier ministre britannique David Cameron.

Paris, Londres, Berlin et Rome ont appelé à une réaction «concertée» au niveau européen.

«La fin des violences et de la répression, le respect des droits de l'homme par tous, la reprise du dialogue interégyptien doivent être une priorité immédiate», ont estimé François Hollande et David Cameron, pour qui l'UE «doit porter ces exigences et examiner ses relations avec l'Égypte».

Les ministres des Affaires étrangères de l'Union européenne devraient se réunir rapidement, la semaine prochaine, afin de faire le point sur la coopération entre l'Union européenne et l'Égypte.

Les services de Catherine Ashton, chef de la diplomatie européenne, ont pour leur part annoncé une réunion lundi à Bruxelles des ambassadeurs des 28 États membres de l'Union afin d'«évaluer la situation en Égypte» et de parvenir à une position commune en vue «de possibles actions».

«J'ai été en contact constant avec les ministres des Affaires étrangères de l'Union européenne et j'ai demandé aux représentants des États membres de débattre et de coordonner les mesures appropriées qui doivent être prises par l'Union européenne en réponse à la situation en Égypte», a fait savoir Mme Ashton dans un communiqué.

Suspension de l'aide ?

Ces derniers jours, des voix se sont élevées en Europe pour que l'UE suspende son aide à l'Égypte après les violences qui ont fait mercredi au moins 578 morts dans ce pays, selon le dernier bilan officiel égyptien.

Les affrontements entre partisans du président déchu Mohamed Morsi et forces de l'ordre se sont poursuivis vendredi, faisant au moins 70 morts.

L'Allemagne va «réexaminer ses relations avec l'Égypte», a d'ores et déjà annoncé vendredi la chancellerie, rendant compte de l'entretien téléphonique d'Angela Merkel avec M. Hollande.

Le ministre français des Affaires étrangères, Laurent Fabius, a souligné qu'une suspension de l'aide pouvait être envisagée : «Je n'exclus rien, mais il faut en discuter avec nos collègues européens», a-t-il déclaré sur BFM TV.

Jeudi, le Danemark avait annoncé qu'il suspendait son aide bilatérale (quatre millions d'euros), tout en appelant l'UE à faire de même.

Même si l'UE n'a pas les moyens des États-Unis, qui fournissent chaque année au Caire quelque 1,3 milliard de dollars uniquement en aide militaire, elle peut jouer du levier de son aide financière, d'un montant global de 450 millions d'euros pour la période 2011-2013.

«Toute notre aide est conditionnelle et, dans les derniers mois, nous n'avons pas dépensé beaucoup, car il n'y a pas eu assez de progrès dans la transition politique», avait rappelé fin juillet le porte-parole de Mme Ashton, Michael Mann.

Depuis, le contexte a radicalement changé. La répression sanglante des partisans du président Morsi a suscité de très nombreuses condamnations de par le monde.

Jeudi, les principales chancelleries européennes avaient convoqué les ambassadeurs égyptiens. Dans un geste très inhabituel, le chef de l'État français l'avait fait au palais présidentiel, interrompant pour cela sa semaine de vacances.

Une réunion du Conseil de sécurité de l'ONU s'est tenue jeudi soir à l'initiative commune de la France, du Royaume-Uni et de l'Australie, mais les 15 pays membres s'étaient bornés à appeler à «un maximum de retenue», Moscou et Pékin s'opposant à toute déclaration officielle.

Le ministre français des Affaires étrangères Laurent Fabius a dit vendredi s'être entretenu au téléphone avec ses homologues de nombreux pays arabes, européens, ainsi qu'avec ceux des États-Unis et d'Égypte. Le ministre allemand des Affaires étrangères, Guido Westerwelle, doit, quant à lui, recevoir samedi son homologue du Qatar, principal soutien des Frères musulmans.

«Il faudrait que de part et d'autre il y ait des gestes pour diminuer la situation de violence et revenir au dialogue. Ce soir, on en est loin», a estimé M. Fabius, évoquant une «responsabilité première du gouvernement», mais soulignant que «l'autre côté doit aussi accepter de renoncer à la violence».

Ailleurs dans le monde, plusieurs capitales ont également durci le ton.

Sans aller jusqu'à suspendre son assistance militaire à cet allié stratégique qu'est l'Égypte, Washington a annulé des manoeuvres militaires communes avec ce pays prévues pour le mois prochain, Barack Obama se réservant la possibilité de «mesures supplémentaires».

La Turquie a de son côté rappelé son ambassadeur au Caire, et plus de 4000 personnes ont manifesté vendredi à Istanbul et Ankara pour protester contre la répression des islamistes par les forces armées égyptiennes. D'autres manifestations ont été signalées à Khartoum, Jérusalem, Rabat, Amman et dans plusieurs villes pakistanaises.