La Suisse, qui se targue de défendre les principes humanitaires, est critiquée par les défenseurs des droits de l'Homme à propos des conditions d'accueil des demandeurs d'asile.

Dix demandeurs d'asile ont campé cinq jours près de la gare de Soleure (nord-ouest), pour protester contre leurs conditions de logement, avant d'être évacués mardi par la police et répartis dans d'autres centres.

Ces réfugiés -- des Syriens, un Afghan et un Kurde de Turquie -- dénonçaient leur installation dans un abri antiaérien, sans fenêtres et avec une aération limitée, à Kestenholz, dans le nord-ouest de la Suisse.

Ils jugeaient ce logement assigné par l'Office fédéral des migrations «indigne d'un être humain». Leur mouvement n'a pas suscité que de la compassion. «Pour dire la vérité, il me semble que s'ils ne sont pas satisfaits de la loi du pays qui les accueille, ils feraient mieux de retourner dans leur pays ou d'aller voir ailleurs», a affirmé pour la radio publique suisse RTS Marie, une jeune Soleuroise.

Cette manifestation intervient quelques jours après une polémique sur des restrictions d'accès notamment à une piscine qu'avait imposée la municipalité de Bremgarten (région de Zurich) dans un accord pour l'ouverture d'un centre d'accueil de demandeurs d'asile.

Devant la polémique qui enflait, la ministre de la Justice a fait vendredi une mise au point, rappelant que «les droits fondamentaux ne sont pas négociables».

Mme Simonetta Sommaruga a catégoriquement exclu une interdiction générale préventive de piscine, ou de toute autres installations, pour les demandeurs d'asile. Il n'y a pas de base légale pour cela, avait-elle souligné.

«Ces règles auraient violé les obligations de la Suisse au regard du droit international», a déclaré à l'AFP Gerry Simpson, spécialiste des questions de réfugiés pour Human Rights Watch à Genève.

Il a bien accueilli le rappel des règles par le gouvernement et a souligné que «chacun a droit à la liberté de mouvement» et que «toute limitation serait discriminatoire». «Les demandeurs d'asile sont comme tout le monde, 99% d'entre eux sont des gens qui respectent les lois, qui veulent simplement avoir une vie normale, voir leur demande examinée de façon équitable», a ajouté M. Simpson.

Il a appelé les autorités «à ne pas chercher à dissiper les craintes (de la population) par des mesures spéciales. Ils doivent les traiter selon la loi et équitablement».

Mais pour la ministre de la Justice, les autorités se doivent de répondre aux peurs de la population. Elle a rappelé que le gouvernement avait la possibilité d'ouvrir des centres pour demandeurs d'asile sans autorisation de la commune, mais qu'il souhaitait éviter de le faire.

À Kestenholz, la commune avait prévu de loger les demandeurs d'asile dans des conteneurs aménagés. Fin juin, l'assemblée communale de ce village de 1700 habitants a refusé le crédit de 190 000 francs suisses (154 000 euros) pour les aménager. Les autorités ont alors mis un abri antiaérien à disposition.

En juin, les Suisses s'étaient prononcés à une très large majorité (79%) lors d'un vote national en faveur d'un durcissement des règles en matière de demandes d'asile, au grand dam des partis de gauche et des églises.

Pour la branche suisse d'Amnesty International, Denise Graf estime que ces deux polémiques ne sont pas des cas isolés. «Il y a des centres, où de manière assez discrète, il y a des règles qui sont discriminatoires» et de citer un cas près de Lucerne où les demandeurs ne pouvaient pas emprunter le plus court chemin entre la gare et leur centre et devaient faire un long détour.

Mme Graf s'inquiète aussi de l'accueil pour des durées de plus en plus longues, suite aux restrictions budgétaires, de demandeurs dans d'anciens abris souterrains, «pas seulement pour un mois, deux mois, mais pour longtemps». Elle a rencontré des personnes qui y ont passé neuf mois. «Dans des chambres pour 12, même 20, sous la terre cela pue, il n'y a pas d'air, il y a tout le temps du bruit. Pour des gens avec des traumatismes, c'est l'horreur».

Pour elle «la qualité de l'accueil a fortement baissé» en Suisse.

La Suisse est avec la Suède l'un des pays d'Europe qui reçoivent le plus de demandeurs d'asile par rapport à leur population, le nombre des réfugiés par million d'habitants étant quatre à cinq fois supérieur à celui de la France, de l'Allemagne ou de l'Italie.

Après un pic de 28 631 demandeurs en 2012 (record depuis 1999), l'Office des migrations table sur 24 000 demandes en 2013.

Quelque 48 000 personnes sont en attente du règlement de leur demande. En 2012, seuls 11,7% des demandeurs ont décroché l'asile, après une longue attente. Entretemps ils sont pris en charge, logés, nourris, et reçoivent une indemnité.