Laszlo Csatary, un ancien officier de police dépossédé de sa citoyenneté canadienne et inculpé par la Hongrie de crimes nazis est mort samedi, à l'âge de 98 ans.

M. Csatary, qui avait trouvé refuge au Canada pendant près de 50 ans, est mort d'une pneumonie dans un hôpital de Budapest, a indiqué son avocat, Gabor Horbath B.

Les autorités hongroises affirment qu'en 1944, Csatary était le responsable d'un camp aménagé dans une usine de briques, dans la ville slovaque de Kosice, où étaient incarcérés quelque 12 000 Juifs. Csatary aurait fréquemment battu les détenus, à mains nues ou à l'aide d'un fouet pour chiens. Il a aussi été accusé d'avoir déporté des milliers d'entre eux vers Auschwitz ou d'autres camps nazis.

Selon la mise en accusation enregistrée en juin par les procureurs hongrois, Csatary avait rejeté la demande d'un des déportés de percer un trou de ventilation dans un wagon qui l'amenait, entassé avec 80 personnes, dans un camp de concentration.

«Par ses actions, l'accusé a volontairement contribué au meurtre et à la torture illégaux perpétrés à l'endroit des Juifs déportés de Kosice vers des camps de concentration, dans des régions occupées par les Allemands», lit-on dans la mise en accusation.

Csatary niait toutes les accusations portées contre lui.

Une survivante de la Shoah, Edita Salamonova, dont la famille a été tuée à Auschwitz après son déplacement de Kosice, a affirmé bien se souvenir de Csatary. «Je peux le voir devant moi, a-t-elle dit à l'Associated Press, l'an dernier en entrevue. Un grand homme de belle apparence, mais avec un coeur de pierre.»

Mme Salamonova se souvient qu'elle essayait de se tenir hors de la vue de Csatary lorsqu'il était présent à l'usine de briques, qui a été démolie depuis. «Il fallait se cacher. On ne savait jamais ce qui pouvait arriver  à tout moment.»

Mme Samalonova a survécu à des séjours dans plusieurs camps de concentration.

Gusztav Zoltai, un autre survivant, est également directeur de la fédération des communautés juives de Hongrie. «Comment pourrais-je pardonner?», a-t-il demandé à l'AP. «J'ai perdu 17 membres de ma famille durant la Shoah, incluant mes parents. Je n'ai pas le droit de pardonner! Si je le faisais, je profanerais leur mémoire. Mais la réconciliation est de notre devoir.»

Le rabbin hongrois Zoltan Radnoti a affirmé en entrevue que les cicatrices de telles atrocités ne disparaissent jamais. «Mais nous devons nous concentrer sur la prévention, l'enseignement à nos enfants et petits-enfants, de façon à ce qu'ils ne pensent plus jamais au racisme.»

En 1948, un tribunal tchèque avait condamné Csatary à mort par contumace en lien avec des crimes de guerre similaires.

Arrivé en Nouvelle-Écosse en 1949, il est devenu citoyen canadien en 1955. Il travaillait comme marchand d'oeuvres d'art à Montréal sous le nom de Ladislaus Csizsik-Csatary.

Il a quitté le pays discrètement en 1997, alors que le Canada se préparait à le convoquer en audience de déportation. Après qu'il eut été découvert qu'il avait menti en affirmant qu'il avait la nationalité yougoslave, le Canada a révoqué sa citoyenneté,

Il habitait la Hongrie depuis son départ du Canada et une décision concernant son éventuelle déportation vers la Slovaquie était attendue sous peu. La condamnation à mort prononcée en 1948 avait été commuée en peine de prison à vie, puisque l'Union européenne interdit la peine capitale.

À Ottawa, le Centre consultatif des relations juives et israéliennes a affirmé lundi que le cas de Csatary était «emblématique» de l'échec des autorités canadiennes à empêcher le Canada d'être un refuge pour les criminels de guerre.

«Justice différée est justice refusée. C'est profondément choquant que les milliers de victimes de Csatary n'aient pu obtenir justice», a déclaré le groupe, lundi, appelant le Canada à redoubler d'efforts pour extrader les criminels de guerre de l'ère nazie.

Les aléas du dossier de Csatary ont été révélés en 2012 par le centre Simon Wiesenthal, une organisation juive de recherche des nazis qui ont échappé à la justice.

Le directeur du bureau de Jérusalem, Efraim Zuroff, a affirmé que son organisation était «profondément déçue» que Csatary soit décédé avant d'avoir été jugé en Hongrie, où il vivait depuis son départ du Canada, et que ce dossier soulevait des doutes quant à l'engagement de la Hongrie à punir les crimes de guerre.

«C'est une honte que Csatary, un acteur de la Shoah déclaré coupable et totalement impénitent, qui a finalement été condamné pour ses crimes dans son pays d'origine, ait évité la justice et la condamnation à la dernière minute», a publié M. Zuroff dans un communiqué.

Un autre hongrois, Sandor Kepiro, soupçonné de crimes de guerre après que le centre Simon Wiesenthal eut découvert son cas, est mort en septembre 2011, quelques mois après avoir été acquitté en raison de preuves insuffisantes. Son verdict était également porté en appel lorsqu'il est mort.

Csatary est né le 4 mars 1915 dans le village de Many, au centre de la Hongrie. Les détails sur sa famille et ses funérailles sont inconnues pour l'instant.