Drame de l'immigration en Sicile: six migrants se sont noyés en essayant de rejoindre de nuit une plage de Catane après avoir sauté d'un bateau transportant une centaine d'autres immigrés en provenance de Syrie et d'Égypte.

Le procureur en chef de Catane Giovanni Salvi a ouvert une enquête contre X pour incitation à l'immigration clandestine et homicide multiple.

«L'embarcation s'est échouée sur un banc de sable, les migrants ont cru qu'ils avaient pied, ils sont descendus du bateau mais ils se sont noyés car à l'improviste l'eau devient profonde», a-t-il expliqué à la presse.

Sur 98 migrants dénombrés, une vingtaine ont réussi à gagner la rive tandis que les autres ont été pris en charge par les vedettes des garde-côtes.

La capitainerie de Catane a été alertée «peu après 5 h 30 (23 h 30 à Montréal) qu'un bateau s'était ensablé en face d'un établissement balnéaire» à Plaia di Catania, a expliqué à l'AFP le commandant Roberto D'Arrigo, porte-parole de cet organisme. «Quand nous sommes arrivés, un bon nombre se trouvaient déjà sur le rivage», a-t-il confirmé, parlant d'une «majorité de jeunes adultes».

Les corps de deux immigrés morts ont été trouvés sur la plage et «quatre autres ont été repêchés par les pompiers», selon le porte-parole. «Parmi les victimes, figure un jeune de 15/16 ans», a-t-il ajouté.

L'embarcation, un bateau de pêche de 18 mètres de long, ensablée à une quinzaine de mètres du rivage, a été remorquée jusqu'au port de Catane.

Un enfant très déshydraté et une femme enceinte ont été hospitalisés par précaution mais leur état ne suscite pas d'inquiétudes.

Le port de provenance n'est pas connu mais apparemment les migrants, pour l'essentiel des Syriens et quelques Égyptiens, étaient en route depuis une semaine.

Dario Monteforte, propriétaire de l'établissement balnéaire Lido Verde, a raconté à la chaîne de télévision en continu Sky TG24 avoir émis l'alerte à l'aube quand il a «vu une multitude de jeunes sur la plage qui couraient vers la route».

Choqué par la vision des corps alignés sur la plage dans de grands sacs mortuaires, M. Monteforte a décidé de fermer ce week-end. «Il faut faire quelque chose, c'est vraiment une tragédie infinie», a-t-il dit, à propos des périls courus par les migrants cherchant à rejoindre les côtes italiennes.

Mme Maria Guia Federico, le préfet de Catane, s'est dite «profondément frappée par la tragédie compte tenu du jeune âge des victimes et du fait qu'ils sont morts tout près de la rive».

L'Italo-Congolaise Cécile Kyenge, ministre de l'Intégration et première Noire à accéder à un poste gouvernemental en Italie, a jugé «nécessaire une forte pression sur l'Europe pour mettre en oeuvre de vraies politiques permettant à notre pays de ne pas être seul face à ces situations dramatiques».

Selon le commandant D'Arrigo, ce débarquement à Catane est «complètement inhabituel» puisque les migrants arrivent généralement plus au sud, dans la zone de Syracuse ou à Lampedusa.

Le maire de Catane, Enzo Bianco, a confirmé le caractère inusité de ce débarquement, estimant que Catane «va devoir se préparer à affronter ce type d'urgence qui est locale, nationale et européenne».

Quelque 57 autres migrants, pour la plupart des Syriens, dont 24 femmes et 26 mineurs, ont été secourus samedi par des garde-côtes de Syracuse qui les ont évacués d'un bateau à la dérive. L'un d'eux est handicapé et un autre souffre de nombreuses fractures.

Les violences ont fait plus de 100 000 morts en Syrie depuis le début, en mars 2011, d'un soulèvement populaire qui s'est transformé en conflit armé, face à la répression menée par le régime, selon une ONG syrienne.

Une centaine d'immigrés syriens avaient déjà été secourus dans la nuit de mercredi à jeudi en Calabre. Partis deux semaines plus tôt de Syrie, ils avaient changé d'embarcation à plusieurs reprises avant d'être abandonnés sur une embarcation à la dérive.

À la faveur d'une mer calme, les arrivées d'immigrés se sont intensifiées ces dernières semaines en Italie. Les passeurs abandonnent souvent leurs passagers en pleine mer, dès qu'ils sont repérés par les garde-côtes italiens ou maltais.

Début juillet, le pape François s'était rendu sur l'île sicilienne de Lampedusa, pour son premier voyage hors de Rome, afin de «pleurer» les milliers de migrants qui ont péri ces dernières années pendant la traversée de la Méditerranée.