Quatre hommes ont été reconnus coupables de «crimes racistes» mardi par un tribunal de Budapest et trois d'entre eux ont été condamnés à la prison à vie, pour une série de six meurtres de Roms, dont un enfant de cinq ans, en 2008 et 2009.

Zsolt Peto et les frères Arpad et Istvan Kiss ont été condamnés à la réclusion criminelle à perpétuité pour avoir assassiné, donc avec préméditation, six Roms dans neuf attaques à la grenade, au fusil et au cocktail Molotov dans plusieurs villages du nord-est de la Hongrie, entre juillet 2008 et août 2009, qui avaient également fait cinq blessés graves.

Le quatrième homme, Istvan Csontos, a été condamné à 13 ans de prison pour complicité: il avait servi de chauffeur aux trois autres, mais a nié avoir participé aux meurtres.

Certaines attaques ont été particulièrement cruelles: un enfant de cinq ans et son père avaient été abattus au moment où ils tentaient de s'échapper de leur maison en feu. Dans une autre attaque, une femme avait été abattue pendant son sommeil.

«Il est moralement inacceptable... que des personnes se réunissent pour commettre des crimes dans le but... d'intimider un groupe ethnique», a déclaré le juge Laszlo Moszori.

Ces lourdes condamnations ont été prononcées sur fond de commémoration de l'Holocauste dont a été victime cette minorité toujours très stigmatisée en Hongrie et qui y représente entre 5 et 8% des 10 millions d'habitants. Le 2 août 1944, les nazis avaient massacré près de 3.000 Roms dans le camp d'extermination d'Auschwitz-Birkenau, situé en Pologne.

Les quatre skinheads sont restés impassibles à la lecture des décisions des juges, tandis que des centaines de personnes s'étaient rassemblées au tribunal, sous haute surveillance policière, pour attendre l'issue de ce procès, qui est intervenue, à quelques jours près, quatre ans après la dernière de ces attaques (le 2 août 2009).

«Leur couleur de peau était leur faute»

Parmi les personnes venues apporter leur soutien aux familles de victimes, certaines arboraient sur leur t-shirt les portraits des victimes ou la phrase «Leur couleur de peau était leur faute».

«Je pense que cette condamnation, la plus lourde qui existe dans le droit hongrois, est tout à fait justifiée», s'est félicité l'avocat des parties civiles, Laszlo Helmeczy. «Ils voulaient créer une guerre civile entre les Hongrois et les Roms hongrois. Les chefs d'inculpation auraient dû être: crime contre l'humanité, terrorisme et racisme», a nuancé le président de l'Association pour les droits civiques des Roms, Aladar Horvath.

Selon le ministre des Ressources humaines, Zoltan Balog, l'affaire n'est «pas une question de minorité ou de majorité: c'est une question de dignité humaine», a-t-il réagi dans un communiqué. «Cette décision renforce ma conviction qu'aucun auteur de crime raciste ne peut échapper à la loi en Hongrie et que les meurtriers particulièrement sauvages paieront à la hauteur de leurs actes», a-t-il poursuivi.

Les quatre condamnés, âgés au moment des faits de 28 à 42 ans, étaient tous membres d'un noyau dur de partisans de l'équipe de football de Debrecen, grande ville de l'est du pays, affichant des penchants néonazis. Ils avaient chacun eu maille à partir avec des Roms et avaient élaboré dans un bar l'idée de se venger, selon le Parquet.

Arrêtés fin août 2009 et jugés depuis le 25 mars 2011, ils ont plaidé non-coupables, à l'exception d'Istvan Csontos, qui a reconnu sa complicité, mais pas les meurtres.

La minorité rom de Hongrie, marginalisée et pauvre, est souvent l'objet de violences verbales et physiques, visée par des milices d'extrême droite et dépeinte régulièrement comme criminelle par le parti d'extrême droite Jobbik.

En janvier, le journaliste influent Zsolt Bayer, proche du premier ministre conservateur Viktor Orban, avait associé les Roms à des «animaux» qui «ne devraient pas être tolérés» et «ne devraient pas exister». Son journal avait ensuite été condamné à une amende par le régulateur des médias.

«Le verdict d'aujourd'hui est une étape positive, mais la Hongrie doit encore tirer les leçons de ces meurtres. Les autorités n'en font toujours pas assez pour empêcher et réagir face aux violences contre les Roms», a dénoncé Amnesty international dans un communiqué.