Répondant aux demandes pressantes de l'opposition de gauche et aux révélations distillées dans la presse, Mariano Rajoy a annoncé qu'il «se présenterait devant le Parlement pour donner toutes les explications» sur la situation politique et économique de l'Espagne, mais aussi pour donner sa version du scandale.

L'exercice est délicat pour le chef du Parti populaire qui, malgré sa confortable majorité absolue au Parlement, se retrouve en posture difficile, aux prises avec des soupçons de corruption qui, en pleine crise économique, ont déjà entamé sa crédibilité.

Le scandale, du nom de Luis Barcenas, intendant puis trésorier de 1990 à 2009 du Parti populaire, présidé par Mariano Rajoy depuis 2004, avait éclaté en janvier avec la publication dans la presse de documents révélant une présumée comptabilité parallèle au sein du parti.

Le nom de Mariano Rajoy apparaissait pour la première fois le 31 janvier dans des notes publiées par El Pais, devenues célèbres sous le nom des «notes de Barcenas».

Selon ces documents, le chef du gouvernement aurait perçu, entre 1997 et 2008, «des paiements pour un montant total de 25 200 euros par an» provenant de dons de chefs d'entreprises privées.

Le journal El Mundo a calculé récemment que c'est une somme totale de «343 700 euros» que l'ex-trésorier aurait destinée à Mariano Rajoy durant une vingtaine d'années.

Jamais, depuis que le scandale a éclaté, le chef du gouvernement, au pouvoir depuis la fin 2011, n'a donné d'explications au pays même s'il avait, dès février, nié avoir touché de l'argent au noir.

Mais face aux soupçons qui se sont installés, au mécontentement d'une partie de l'opinion publique et aux pressions politiques, la stratégie semble avoir changé.

«J'ai compris que face aux doutes que peuvent avoir de nombreux citoyens espagnols, il est bon que je m'adresse au Parlement», annonçait-il le 22 juillet, en promettant que ces explications, au-delà du seul cadre de «l'affaire Barcenas», porteront «sur la situation économique que vit le pays».

Lors de cette séance de questions-réponses, le chef du gouvernement espère en effet se prévaloir d'une amorce d'embellie pour l'économie espagnole: une baisse du chômage au deuxième trimestre, passé de 27,16% à 26,26%, et un ralentissement du repli de l'économie.

Mariano Rajoy «donnera les explications que tout le monde attend sur les scandales que nous avons connus récemment», a affirmé mercredi un dirigeant du PP, Esteban Gonzalez Pons.

«Il reliera tout cela avec la situation économique parce que nous ne devons pas laisser un mauvais climat politique porter atteinte à la récupération de l'économie. Les Espagnols ne nous le pardonneraient pas», a-t-il ajouté.

Une stratégie dénoncée par le Parti socialiste, qui réclame la démission de Mariano Rajoy et des explications en profondeur sur le scandale.

«Notre objectif est double: que le président du gouvernement dise la vérité et qu'il abandonne son poste», a lancé mercredi la numéro deux du Parti socialiste, Elena Valenciano. «Si nous n'y parvenons pas demain, nous continuerons à lutter pour cela».

Dans ce contexte, les révélations visant Mariano Rajoy en personne se sont accumulées dangereusement ces dernières semaines.

Le 14 juillet, le journal El Mundo publiait le contenu de plusieurs échanges de SMS attribués à Mariano Rajoy et Luis Barcenas, longtemps très proches, montrant, d'après le quotidien, que le premier ministre «a maintenu un contact direct et permanent» avec l'ex-trésorier au moins jusqu'en mars 2013, alors que le scandale avait déjà éclaté.

Le lendemain, Luis Barcenas, en prison depuis le 27 juin dans le cadre d'un autre scandale de corruption, était entendu par le juge Pablo Ruz, chargé de cette double enquête: il confirmait l'existence d'une comptabilité B et citait Mariano Rajoy parmi ses bénéficiaires.